Salade de betteraves rôties à la mozzarella et au pourpier d’hiver, vinaigrette aux noix

Salade de betteraves rôties à la mozzarella et au pourpier d’hiver, vinaigrette aux noix
Hind
par

Eté 1952, Capri, Italie.

Un yacht luxueux est amarré au loin, bercé par les flots paresseux de la méditerranée estivale.

Un homme bedonnant, à la moustache fine, au regard blasé,  nage non loin de la fastueuse embarcation. Il sort de l’eau , s’ébroue nonchalamment et traîne son ennui et sa silhouette imposante vers l’hôtel le plus proche :El gatto bianco (le chat blanc), un hôtel connu de toute la jet set de l’époque.

Le chef est prévenu : l’illustre invité a envie de quelque chose de frais, de doux et de rond en bouche à la fois.

Et de s’agiter, et de cogiter, et de s’ébranler tout en affolement contenu dans les cuisines italiennes !Las, , la simplicité finira par l’emporter. Tomates, mozzarella et basilic se déploient en fleur éclatante, arrosée d’un soupçon d’huile d’olive : les couleurs de l’Italie même dans l’assiette.

La salade caprese était née. Sans se douter qu’elle est le témoin d’une tragédie toute proche, d’un exil qui a changé la vie d’un homme.

Car notre moustachu rondouillard n’est autre que le dernier roi d’Égypte, Farouk 1er en personne. Ou plus précisément l’avant dernier, mais ça ne compte pas : son fils, Fouad II, nommé roi après son abdication, n’est encore qu’un bébé qui sera destitué  vite fait, un an plus tard.

Treize ans plus tard, sur la via Aurelia, près de Rome , Farouk s’effondre sur la table d’un autre restaurant en compagnie d’une énième jeune femme blonde inconnue. Il meurt sur le champ,à 45 ans, en traînant dernière lui une réputation de dandy et  de coureur de jupons invétéré. Farouk a en effet passé ses dernières années d’exil à écumer les tables de jeu et les bars de luxe, changeant de maîtresse comme de nœud papillon, sa seconde épouse Narimane l’ayant quitté juste après son abdication.

Pourtant rien ne prédestinait Farouk à cette réputation de roi dépravé, peu aimé de son peuple et contraint à l’exil.

29 Juillet 1937. Héritier de la dynastie de Mehemet Ali , une famille mamelouk turcophone d’origine albanaise  qui gouverne l’Égypte et le Soudan depuis le XIXème siècle, le jeune Farouk, fraîchement diplômé de l’académie militaire de Woolwich au royaume uni, est couronné  roi à seize ans. Cultivé, sportif, svelte , le jeune roi jouit d’une grande popularité aussi bien de la part de la noblesse que du petit peuple.

Le jeune roi Farouk 1er à seize ans

Son mariage avec la très belle Safinaz Sulfikar, qui prend le nom de Farida, une fois reine, ne fait qu’accroître sa notoriété. Ses ancêtres ont d’abord œuvré à arabiser et ‘égyptianiser ‘ leur dynastie avant de mener une politique culturelle et scientifique ambitieuse :  les recherches archéologiques des tombes pharaoniques sont encouragées, de nombreuses grandes écoles sont créées dont l’école polytechnique du Caire et la société royale de Géographie,  des opéras à la gloire de l’Égypte  sont composés comme le célèbre Aida commandé à Verdi.

Farouk et Safinaz avec leur fille Feryal , en 1940

Farouk hérite donc d’un pays pétri d’espérance, débarrassé de la tutelle ottomane et aspirant à une indépendance totale avec la signature du traité d’Amitié et d’Alliance anglo-égyptien en 1936.

Mais l’histoire et le destin vont se mêler à ces débuts prometteurs.

Cela commence par la signature  d’un nouveau traité avec le royaume uni, octroyant aux armées de sa majesté « toutes facilités et assistances y compris l’utilisation des ports, aérodromes et moyens de communication».

Ensuite, la seconde guerre mondiale vient bouleverser le monde et les hommes : l’égypte ne fait pas exception. Le Caire est transformée en ville de garnison tandis que l’égypte est divisée entre pro-axes et pro-alliés

Farouk mise sur une victoire de de l’Allemagne et de l’Italie  pour se débarrasser de la tutelle anglaise de plus en plus oppressante, tandis que les britanniques voient d’un très mauvais œil ce roi peu docile et ayant de plus en plus de sympathies pour les forces de l’axe. En février 1942, ils contraignent le roi, à nommer à la tête du gouvernement Nahas Pacha, fidèle à la couronne britannique mais peu estimé par Farouk.

1943 est une année charnière : Farouk manque de se tuer au volant de sa Mercedes qui heurte un camion de convoi britannique. Complot anglais ? conspiration des opposants aux roi ? ou simple accident ? nul ne le saura jamais mais ce drame annonce la chute de Farouk 1er. Les séquelles sont plus importantes que prévu : Farouk commence à changer de personnalité, à tel point que d’aucuns parlent de sosie  placé sur le trône par les ennemis de l’Égypte.

Le roi Farouk avec sa deuxième épouse et son fils, Fouad.

Taciturne, désinhibé voire parfois obscène, désormais peu porté sur la chose politique, Le jeune roi de 23 ans , déjà grand dilapidateur par le passé, dépense désormais sans compter tout en manifestant des épisodes de cleptomanie notoire. C’est le début de la déchéance.

Après la deuxième guerre mondiale une série d’événements va précipiter sa chute : son divorce très mal perçu  avec Farida et son remariage avec Narimane saddek , sa politique d’extrême arabisation du pays ,sans parler de la défaite militaire contre Israël vers 1948 et de plusieurs scandales de corruption . Ses frasques personnelles ainsi que la perte d’influence de l’Égypte lui ôtent les dernières miettes de soutien populaire.

Le 25 juillet 1952, les officiers libres avec à leur tête un certain Nasser arrivent au pouvoir et renversent la monarchie : Farouk est contraint à l’exil. Débute alors une vie d’errance qui s’achève dans ce fameux restaurant romain.

Splendeurs et misères des destinées humaines, royales ou pas.

Il ne m’en fallait pas plus pour me lancer dans cette Caprese d’hiver , pour rendre hommage à la légende du Gatto Blanco et du roi déchu! Point de tomates  en hiver, mais des betteraves jaunes et rouges rôties au four viennent agréablement contrer la rondeur de la mozzarella tandis que la claytone de cuba , alias le pourpier d’hiver ajoute sa fraîcheur herbacée. J’ai complété le tout par une vinaigrette aux noix pour apporter de la texture et de l’assaisonnement.

Pour 2 personnes:

  • 1 belle boule de mozzarella di buffala
  • Une betterave jaune (golden burpee ici)
  • Une betterave rouge
  • Une botte de pourpier d’hiver
  • Une lichette d’huile d’olive pour la cuisson des betteraves

Vinaigrette :

  • 1 petite échalote
  • 3 c à s de cerneaux de noix
  • 3 c à s de vinaigre de balsamique
  • 5 c à s d’huile de noix extra vierge
  • 3 c à s de persil haché( ou de basilic ciselé)
  • Sel, poivre

Commençons par la cuisson des betteraves

Préchauffez le four à 200°C.

Découpez deux grands carrés de papier sulfurisé de façon à envelopper chaque betterave séparément. Placez chaque betterave, sans la peler, dans son papier, arrosez d’un tout petit filet d’huile d’olive, refermez le papier puis enveloppez chaque parcelle de papier aluminium pour bien sceller le tout.(Je ne mets pas de papier aluminium au contact direct des aliments).

Faites cuire dans le four chaud pendant 1 heure : testez la cuisson avec un couteau ; selon la taille des bestioles vous devrez peut-être rallonger de 10 mn la cuisson. Laissez refroidir hors du four complètement. Pelez ensuite les betteraves avant de les découper en rondelles à l’aide d’une mandoline ou d’un bon couteau.

Sus à la vinaigrette : coupez l’échalote en brunoise, hachez les noix grossièrement et mélangez avec le reste des ingrédients de la vinaigrette, salez et poivrez.

Lavez et séchez la claytone de cuba, émincez la mozzarella en tranches. Faites un petit de claytone dans chaque assiette (ou disposez au centre comme sur la photo).

Étalez les tranches de betteraves et de mozzarella en quinconce. Arrosez d’un peu de vinaigrette et servez aussitôt, avec une belle ciabatta ou un tranche de pain de campagne.

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