Poulet crapaudine au sumac et à la sauge, sauce bagnet verde aux fanes

Poulet crapaudine au sumac et sauce bagnet verde aux fanes
Hind
par

On nous cache tout ,on nous dit rien ,et plus on apprend, plus on ne sait rien, nous disait déjà le dandy Jacques Dutronc dans les sixties vrombissantes. Et c’est encore vrai de nos jours, car ne voilà-t ’il pas que j’apprends au détour d’une lecture que dans le célèbre conte des frères Grimm, » la fille du roi et la grenouille », la fameuse grenouille ne se transforme pas en prince charmant à la suite d’un baiser tremblotant et énamouré. Que nenni ! C’est en lançant violemment le crapaud contre un mur, dans un ultime geste de dégout, que la princesse provoque à son insu la métamorphose légendaire.

A l’instar de la madeleine de Proust qui ne serait au départ qu’une biscotte, on nous aurait menti depuis des lustres en nous cachant cette agressivité indigne d’un comportement princier . Argh, ô rage,ô désespoir dans les cuisines des chaumières! Parfois l’ignorance est une bénédiction, on aurait aimé vivre douillettement entouré des mythes de l’enfance et patatras l’information s’offre à nous, brisant nos bulles magiques et nous plongeant dans un état de doute permanent face à la réalité du monde.

C’est en regardant mon poulet du dimanche d’un œil interrogateur tout en lisant ces révélations fracassantes, que l’idée de cette recette m’est venue. En souvenir  du poulet en croute de sel, j’avais envie d’une cuisson flemmarde avec une chair moelleuse et parfumée en échappant à la fameuse malédiction des blancs trop secs tout en réduisant le temps de cuisson. N’ayant point de sortilèges comme dans les contes, j’ai résolu le problème en transformant moi-même mon poulet en crapaud. Rien de bien difficile, il suffit de s’armer d’une bonne paire de ciseaux, de coucher la bête sur la poitrine( le croupion doit vous faire face) et de retirer la colonne vertébrale du cou au croupion en découpant de chaque côté. On retourne ensuite le poulet, on presse avec le plat de la main et voilà notre poulet-crapaud princier prêt à rôtir. Cette petite vidéo vous expliquera en détail si vous n’avez pas le courage d’une princesse de conte.

Je l’ai plongé fissa dans une marinade au sumac, citron ail et sauge pour célébrer l’arrivée de la belle saison avec des saveurs citronnées.

Je lorgnais également sur des quignons de pain rassis qui me contemplaient d’un air triste et morne en s’interrogeant sur leur destin : le bagnet verde (« petit bain vert »), une sauce piémontaise acidulée au pain , câpres, anchois et surtout énormément  de persil plat vint à la rescousse. Mais comme il me restait des fanes de radis, je décidai de trahir la tradition italienne en ajoutant les feuilles délaissées à la sauce sans me démonter. Come no ? Certains y ajoutent des œufs durs  mais je préfère la version épurée, plus digeste.

Quelques patates au pimienton plus tard, le repas du dimanche italo-levantin avec un soupçon d’ibérie fut dévoré sans crier gare.

Le reste de sauce bagnet verde accompagnera parfaitement des légumes grillés, des salades de céréales, des viandes froides , enfin tout ce que vous voulez saucer vertement en somme.

Pour 4 personnes

Poulet et marinade :

  • Un poulet fermier préparé en crapaudine comme indiqué plus haut.
  • Le zeste et le jus d’un citron
  • 2 cc de sumac
  • ½ cc de cumin
  • 2 gousses d’ail
  • 6 à 8 feuilles de sauge ciselée
  • 2 c à s d’huile d’olive
  • 2 c à s d’eau

Pour la cuisson du poulet :

  • 10g de beurre
  • 5 à 6 gousses d’ail en chemise
  • Une poignée de feuille de sauge fraiche
  • Sel et huile d’olive

Bagnet verde aux fanes de radis

  • 200 g de pain rassis
  • 2 c à s de vinaigre de cidre
  • 120 ml d’eau froide
  • 180 ml d’huile d’olive
  • Les fanes d’une botte de radis
  • Une grande botte de persil plat (120 à 150 g) grossièrement haché
  • 1 c à s de câpres
  • 5 petits anchois à l’huile
  • Poivre du moulin

Pommes de terre au pimienton

  • Une douzaine de pommes de terre à chair ferme
  • Une lichette d’huile d’olive
  • 1 c à s de pimienton (ou de bon paprika)
  • Fleur de sel pour servir

Marinons moussaillon : mixez tous les ingrédients de la marinade puis versez sur le poulet. Laissez faire trempette au frais pendant au moins une heure (voire la veille pour des saveurs plus marquées).

Arrimons les braves patatas pendant ce temps : faites cuire les bestioles pendant 25 mn dans un de l’eau salée avec leur peau ( ici tout est bio donc on ne craint pas les peaux, ni les crapauds). Egouttez, laissez tiédir puis coupez en deux. Dans un grand saladier mélangez les pommes de terre avec le pimienton ou le paprika et une lichette d’huile d’olive. Enrobez bien le tout et à la main s’il vous plait, l’ustensile le plus utile d’une cuisine bien achalandée.

Après toutes ces histoires d’intimité patativore, faisons joujou avec la sauce verte : trempez d’abord le pain pendant 10 mn dans l’eau. Ajoutez ensuite le vinaigre puis tous les autres ingrédients avant de mixer sauvagement pour un résultat lisse, par petites pulsions pour un peu plus de texture. Quelle que soit votre école ne salez pas ou alors uniquement à la fin en goûtant : les anchois et les câpres se chargent largement de l’affaire. Gardez au frais jusqu’au moment de servir.

Préchauffez le four à chaleur tournante à 200°C puis sortez le poulet de sa marinade

Dans un grand plat allant au four, disposez les gousses d’ail en chemise et les feuilles de sauge. Arrosez le poulet avec une lichette d’huile d’olive en le massant. Salez des deux côtés puis disposez le poulet dans le plat, côté peau par-dessous, contre le plat. Ajoutez 2 c à s d’eau et laissez cuire 20 minutes.

Retournez le poulet, côté peau au dessus cette fois ci , parsemez de quelques noisettes de beurre et laissez rôtir 25 à 35 minutes suivant le poids de la bête. Dans tous les cas testez avec un couteau : le jus qui en sort doit être clair. N’hésitez pas à arroser mollement de temps en temps pour bien dorer la volaille.

Vingt minutes avant la fin de cuisson du poulet, enfournez les pommes de terre sur la deuxième taque du four(nous sommes en chaleur tournante) et laissez confire. Vous pouvez éventuellement les passer quelques minutes sous le grill juste avant de servir. Parsemez d’une pincée de fleur de sel avant de passer à table.

Sortez le crapaud, heu enfin le poulet du four et servez avec le bagnet verde et les pommes de terre chaudes. N’oubliez pas de déguster également les gousses d’ail confites dans leur jus ! Une petite salade complétera ce repas des beaux jours.

Dans cette recette je ne récupère pas le jus de cuisson, vu le choix de la sauce piémontaise mais je ne vous jetterai pas la pierre si vous saucez en cachette le plat de cuisson du poulet.

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