Chutney de tomates aux dattes et au piment, galettes aux haricots rouges

Chutney de tomates aux dattes et au piment, galettes aux haricots rouges
Hind
par

Empire britannique des indes, Calcutta, 1838.

Les fertiles plaines céréalières du delta du Gange ont été transformées en immenses champs de pavots exploités par la compagnie des indes britanniques pour produire de l’opium, une drogue extrêmement lucrative destinée aux exportations vers la chine.

L’Ibis, un ancien navire négrier reconverti dans le commerce, fait escale à Calcutta afin d’embarquer des coolies à destination de l’île Maurice : bien que l’esclavage ait été récemment aboli par les anglais, cette main d’œuvre corvéable à merci n’a guère de conditions plus reluisantes  et représente un atout majeur pour l’empire qui les disperse au gré des besoins dans les différentes colonies. Ces damnés de la terre se retrouvent spoliés  et exploités dans des conditions terribles : peu d’entre eux reverront un jour leur terre natale.

Une galerie de personnages tous plus flamboyants les uns que les autres va ainsi peupler l’Ibis.

Il y a d’abord Deeti, une veuve indienne ruinée par le commerce de l’opium qui a coûté la vie à son mari, ancien cipaye  de l’armée britannique devenu esclave de la drogue maudite . Fuyant la tradition sinistre  du sati( l’acte de s’immoler sur le bûcher funéraire de son mari), Deeti est sauvée in extremis par Kalua ,un intouchable, qui lui propose de s’enfuir fissa tout en devenant son amoureux.

Il y a ensuite Zachary Reid, un ébéniste américain ‘octoron’ (un huitième de sang noir)  qui a fui le racisme prégnant de la société américaine pour tenter sa chance sur l’ibis ou il devient par une série de hasards et d’infortunes le commandant en second. Personne ne sait que Reid a du sang noir tant sa peau claire est trompeuse, ce qui pourrait lui coûter sa jeune carrière en ses temps de ségrégation affirmée où il ne fait pas bon être descendant d’esclaves.

Il y a aussi Paulette Lambert, une jeune orpheline  française  née en Inde , férue de Rousseau ,de Voltaire et passionnée de botanique, qui se fait passer pour une autochtone afin d’échapper au mariage sordide auquel la destine son rapace de tuteur.

Il y a Jodu, le frère de lait de Paulette qui s’engage comme mousse sur l’Ibis sans savoir que sa sœur est à bord , lui dont la mère a élevé la jeune française comme sa propre fille.

Il y a Neel Rattal Halder, un rajah ruiné par le commerce de l’opium , qui ayant perdu et ses titres et sa caste , se retrouve prisonnier dans les geôles  sordides de l’ibis en compagnie de Ah Fatt, un métis sino-parsi grand opiomane devant l’éternel.

Il y a Mr Burnham, l’armateur sans scrupules, une sorte de Mr Scrooge dickensien,  qui se trouve être là la fois le tuteur de Paulette et le créditeur impitoyable de Neel.

Il y a Baboo Nob Kissin, un vishnouiste rêvant sans cesse de pureté et de temples à construire et convaincu que Zachary est la réincarnation même du dieu Krishna.

Il y a tout cela et plus encore dans le formidable « Un océan de pavot » (Sea of poppies) , premier tome de la trilogie de l’Ibis de l’écrivain indien , Amitav Gosh.

Dans le microcosme flottant de la goélette maudite, les destins vont se jouer tout en brassant classes sociales, races, religions , cultures et croyances dans un massala foudroyant, digne d’un Alexandre Dumas des belles heures. Déracinés, malmenés mais en même temps libérés des carcans de leurs milieux d’origine, les personnages vont tous se révéler à eux -même à bord de l’Ibis, mêlant petite et grande histoire dans cette saga exubérante, jouissive, tour à tour tendre, drôle ou violente qui met en transe le lecteur dès les premières pages.

Et cette exaltation du lecteur est due non seulement au récit palpitant des aventures des  différents protagonistes à l’ombre du raj britannique et de ce qui sera la première guerre de l’opium (1839-1842) mais aussi à la langue chatoyante d’Amitav Gosh ,conteur exquis qui mêle  les sabirs, les  langues , les dialectes, les accents sans céder ni à la mièvrerie ni aux images d’Épinal. En compagnie des lascars des cipayes, des budgerows, des sheeshmahals, des chalta, des serang , des zemindary, le lecteur embarque aussi sans crier gare à bord de l’Ibis pour vivre le temps d’un roman une fresque inoubliable.

Et c’est en dévorant ce roman captivant à pleine dents que je songeai tout d’un coup à me sustenter : ce sont des choses qui arrivent.

Il me fallait des saveurs indiennes pour rester dans l’esprit de ma lecture tout en faisant un sort aux dernières tomates de saison, dans cet entre-deux qu’est le mois de septembre où l’on hésite à dire adieu à l’été sans se résigner encore à accueillir l’automne, pourtant tout aussi pourvu de splendeurs végétales.

Très vite l’idée d’un chutney pimenté et acidulé qui accompagnerait aussi bien des viandes que des repas végétariens s’imposa tandis qu’un reste de haricots rouges azuki me suppliait leur réserver un destin décent. J’ai choisi de sucrer le chutney avec des dattes pour apporter une saveur plus subtile et une texture plus onctueuse.

Aussitôt cogité , aussitôt cuisiné : voici donc mes galettes de haricots rouges et mon chutney de fin de saison qui ont enchanté les déjeuners de ma semaine dans les tours de verre, loin de la pétulance littéraire d’un « océan de pavots », dont je me suis empressé de commander la suite.

 

 

Pour environ 20 à 25 petites galettes :

  • 400g de haricots rouges (ici azukis) trempés la veille
  • 200g de lentilles corail
  • 2 gousses d’ail râpées
  • 1 œuf
  • 3 c à s de menthe fraîche ciselée
  • 4 c à s de coriandre ou de persil frais haché
  • 2 tiges d’oignons nouveaux finement émincées
  • 1 cc de cumin
  • 1 cc de coriandre en poudre
  • 1 cc de pimenton de la vera (ou à défaut de paprika)
  • ¼  cc de sel
  • Un peu d’huile de tournesol ou d’huile d’olive pour la cuisson
  • un peu de farine pour former les galettes

Chutney de tomates aux dattes et au piment

  • 1 kg de tomates (j’ai mélangé plusieurs variétés anciennes)
  • 2 oignons rouges
  • 2 cc de piment frais épépiné et haché
  • 2 gousses d’ail râpés
  • 1 cc de gingembre frais râpé
  • 1 c à s de graines de moutarde
  • 1 c à s de graines de cumin
  • 1 cc de piment en poudre
  • 1/2 cc de cannelle en poudre
  • 1 bâton de cannelle
  • Les graines de 6 gousses de cardamome
  • 150g de dattes
  • 4 c à s de sucre muscovado
  • 5 c à s de vinaigre de cidre
  • ½ cc de sel
  • 2 c à s d’huile d’olive pour la cuisson

Commençons par les haricots : jetez l’eau de trempage et faites cuire pendant 1 h  environ à feu moyen dans une casserole à moitié couverte. Égouttez soigneusement et laisser refroidir

Terminons-en avec les légumineuses : faites cuire les lentilles corail dans 3 fois leur volume d’eau pendant 20 mn environ. Égouttez et laissez refroidir.

Pendant que les haricots se meurent, attaquez le chutney : coupez les tomates en quartiers puis chaque quartier en deux. Émincez finement les oignons rouges, dénoyautez les dattes avant de les hacher finement au couteau façon brunoise.

Emparez-vous d’une cocotte en fonte et faites chauffer 2 c à s d’huile d’olive à feu moyen. Jetez -y les oignons, le cumin et les graines de moutarde et laissez fondre 5 mn(les graines vont crépiter)  avant d’ajouter le sucre. Laissez caraméliser 5 mn supplémentaires avant d’ajouter les épices ainsi que tous les autres ingrédients. Fermez la cocotte, portez à ébullition puis baissez le feu et laissez cuire 30 mn à couvert et à feu doux. Découvrez ensuite la cocotte puis laissez cuire toujours à feu doux pendant une petite heure jusqu’à ce que l’eau des tomates soit évaporée et que le chutney soit  bien réduit. En cette matière votre œil et votre palais seront votre mesure : vous pouvez rajouter du temps de cuisson, toujours à feu doux si vous désirez obtenir une texture plus concentrée.

Déposez votre œuvre dans des pots en verre stérilisés et conservez au réfrigérateur. Ce chutney se conserve bien pendant au moins 3 semaines.

Passons en mode galettes : mixez les haricots avec les lentilles, l’ail, l’œuf, le pimenton (ou paprika), la coriandre en poudre, le cumin et le sel. Hors du mixer, ajoutez les herbes et les oignons nouveaux. Mélangez soigneusement et gardez au frais pendant 30 minutes.

Pour la cuisson , chauffez le four à 180°C. Farinez légèrement vos mains, et formez des petites boulettes de la taille d’une balle de golf que vous aplatirez légèrement. Faites chauffer 3-4 c à s d’huile végétale dans une grande poêle anti-adhésive et faites dorer les galettes 2 à 3 mn de chaque côté. Terminez par 5 mn de cuisson au four.

Servez tiède ou chaud avec le chutney et une belle salade de crudités.

Les galettes se congèlent par ailleurs très bien et peuvent se réchauffer au four dès que le besoin de relire Amitav Gosh se fait sentir.

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