Petits pains au potimarron

Petits pains au potimarron
Hind
par

Eliza Acton se rêvait poète. Le destin en décida autrement. Ainée d’une fratrie de cinq enfants, issue d’une famille de brasseurs dans le riant comté du Sussex, Eliza avait la santé fragile et le tempérament romantique, dans cette Angleterre victorienne du début du 19ème siècle.

Elle se lança dans la poésie comme on se lance dans la vie, par inadvertance.

Les éditions Longman publièrent ainsi son premier recueil de poésie, des vers essentiellement dédiés aux amours malheureuses.  Eliza allait récidiver avec un second volume quand son éditeur la pria insidieusement mais fermement de composer une œuvre un peu plus pratique. Eliza les prit au mot : pendant des années elle se mit avec acharnement à cuisiner, mitonner, rôtir, fricasser, mijoter tout en prenant des notes précises quant aux mesures et aux techniques utilisées dans sa cuisine domestique. La poétesse  désenchantée avait résolu de révolutionner la littérature culinaire!

De ses années opiniâtres derrière les fourneaux, naquit son chef d’œuvre : « Modern cook for private families », l’un des premiers livres culinaires à usage domestique (du moins en langue anglaise) à fournir une liste  d’ingrédients précise, des quantités exactes, des temps de cuissons formels , des explications scrupuleuses et une classification de recettes par catégorie dont la rubrique Chutneys fut la plus célèbre.  Eliza avait mis un point d’honneur à démontrer à son éditeur ce que l’on gagne à défier un poète blessé.

Le  succès fut fulgurant et l’ouvrage fut  réimprimé pas moins de 13 fois, ce qui en fait de nos jours encore l’un des monuments de la littérature culinaire Anglaise qui allait ensuit en inspirer bien d’autres.

Quelques années plus tard, en 1857, Eliza publia son livre sur le pain « The English Bread Book » alors que l’art de faire son pain commençait à se perdre dans le royaume de la révolution industrielle. Elle fut l’un des premiers auteurs à conseiller de manger du pain complet à la place du pain blanc , à combattre les additifs dans la production de pain industrielle (oui déjà à l’époque !) et à explorer les nouveautés à l’œuvre dans la boulangerie française comparée à l’état piteux du pain de l’albion.

Très injustement, cette œuvre n’eut pas autant de succès que la précédente malgré un sens du détail et un style d’écriture tout à fait réjouissants.

Et dans ce dernier livre, l’auteur fourmille d’idées pratiques et délicieuses dont font partie les pains aux légumes. Eliza conseille en effet de rajouter de la purée de panais, de betteraves, de rutabagas ou encore de haricots blancs pour un meilleur apport nutritionnel.

Ni une ni deux, par-delà le temps et l’espace je décidai de rendre hommage à Elisa en fabricant du pain au potimarron, histoire de rajouter un peu de psychédélisme dans le pain quotidien. La purée de courge rend  le pain moelleux tout en lui apportant une belle couleur vibrante, les graines de fenouil parfument agréablement la pâte, tandis que la farine de seigle en fait un pain plus complet.

Eliza n’aurait pas renié ce pain aux couleurs tonitruantes. A vos pétrins!

Pour environ 8 petits pains :

  • Un petit potimarron ( 300 g de chair seulement seront nécessaires)
  • 2 c à s de graines de fenouil
  • 100 ml d’eau tiède
  • 11 g de levure sèche
  • 400g de farine bio t65
  • 100g de farine de seigle bio
  • 8g de sel fin
  • 1 cc de miel
  • 1 c à s d’huile de tournesol(pour le saladier à lever)

paincourge12Commençons par le potimarron : coupez la bestiole en deux avant de l’épépiner et de la couper en dés. Inutile de peler car tout se mange dans le potimarron et en circuit bio, il n’y a rien à craindre question peaux suspectes

Faites cuire le potimarron à la vapeur douce pendant environ 20 à 25 minutes. Mixez en purée, prélevez-en 300g et laisser refroidir. Le reste de potimarron se mangera en purée, gratin  ou en soupe selon votre instinct créatif du jour.

Torréfiez les graines de fenouil à sec  dans une petite poêle et laissez refroidir

Mélangez la levure avec l’eau tiède et le miel et laissez le tout se transformer en blob mousseux pendant une dizaine de minutes.

Dans la cuve de votre robot (ou un dans cul de poule  si vous optez pour la technique manuelle), mélangez les deux farines, le sel et les graines de fenouil puis ajoutez la purée de potimarron. Mélangez  mollement histoire d’incorporer le légume puis versez le mélange de levure ‘blobesque’.

paincourge8

Pétrissez au robot  muni du crochet à boulangerie 15 minutes à vitesse lente puis 10 minutes à vitesse plus rapide  jusqu’à ce que la pâte se forme et se détache des parois. Si vous optez pour la technique manuelle pétrissez sans relâche sur un plan de travail fariné jusqu’à ce la pâte devienne élastique. N’hésitez pas à rajouter un tout petit peu d’eau ou de farine le cas échéant, car la teneur en eau des courges peut varier.

Formez en boule et laissez lever dans un saladier légèrement huilé, couvert d’un linge propre pendant environ deux heure ou jusqu’à ce que la pâte ait doublé de volume (selon la température de votre pièce)

Sur un plan de travail fariné,  dégazez délicatement la pâte puis coupez en 8 tronçons. Formez en boules ou en petites « courges » comme sur la photo : il suffit de superposer deux boules l’une sur l’autre(en les collant avec un tout petit peu d’eau), la deuxième faisant la moitié du poids de la première, d’enfoncer délicatement une spatule au milieu pour former un petit puits puis de découpez les bords de chaque boule au ciseau.

Disposez les boules sur deux  taques de cuisson recouvertes de papier sulfurisé et couvrez avec un linge propre

Laissez lever environ 50 minutes  et pendant ce temps-là préchauffez le four à 220°C (chaleur tournante) en disposant un petit récipient plein d’eau en bas du four.

Saupoudrez les pains légèrement de farine puis entaillez en croix pour les pains en boules.

Enfourner pour 18 minutes environ. Laissez refroidir sur une grille avant de déguster.paincourge9

 

 

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Commentaires

  1. […] Tant va la miche à l’eau que la rave trépasse ! Voici que toute à mes rêveries boulangères,mon panier se faisait la malle et mes légumes  de s’éparpiller, les fripouilles, sur les sentiers craquelés de l’automne frémissant. Et c’est en scrutant sournoisement une betterave fugitive que la lumière fut !J’allais faire du pain à la betterave à l’instar de mes festifs pains au potimarron. […]

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