Cinq accompagnements de saison ,façon Tom & Jerry
par Hind
C’était un samedi matin blême et frissonnant et nous discutions de Liszt et de courge butternut. Ce sont des choses qui arrivent surtout quand on prend des cours de piano juste avant d’aller gambader au marché hebdomadaire.
Mon professeur de piano glosait sur la virtuosité du maestro tandis que la midinette en moi se remémorait son visage taillé à la serpe, sa crinière romantique et son regard perçant presque insoutenable. C’est que notre hongrois tourmenté, avant de sombrer dans une crise mystique insoluble, a longtemps joué les séducteurs invétérés collectionnant de concert les récitals et les jeunes femmes.
Et c’est ainsi que nous enchainâmes sans crier gare sur les mille une technique de cuisson de la butternut : tout cela n’était qu’une histoire de mains après tout et de doigtés bien pensés !
Et puis soudain, en sortant de mon cours, je me suis souvenu de mon premier contact avec la musique de Liszt. Oh ce n’était ni dans un théâtre prestigieux ni dans un haut lieu de la musique classique mais bel et bien dans le salon familial, quelque part à Rabat(Maroc), à la fin du siècle dernier.
Je devais avoir 7 ou 8 ans, il devait être 18h 11 ou peut-être 18h 12 ,le menton sous les paumes, vautrée sans scrupule sur un épais tapis de laine, des beghrirs( crêpes à trous) et un thé à la menthe à portée de main, je savourais mon moment préféré de la journée : le gouter accompagnant les dessins animés. L’heure de l’avachissement avait sonné et toute activité superflue était exclue car c’était l’instant suprême tant attendu : l’heure des Tom et Jerry ! Je ne parle évidemment pas des ersatz infâmes aux dessins 3d que l’on sert aux gamins aujourd’hui, mais bien des vrai Tom & Jerry, ceux de William Hanna et Joseph Barbara,un duo de géniaux animateurs qu’enfant j’ai longtemps pris pour une seule personne, en l’occurrence une femme du nom de Hanna Barbera !
Ce jour-là j’avais rendez-vous avec Liszt mais je ne le savais pas encore : c’était le 29ème épisode de la série originelle (qui datait de 1947), intitulé sobrement ‘ le concerto du chat’ (the cat concerto).
On y voyait Tom habillé d’un smoking impeccable s’installer doctement devant un imposant piano à queue et entamer la rhapsodie hongroise n°2 de Liszt. Jerry, sa souris préférée, somnolant confortablement à l’intérieur du piano, se faisaitt brutalement réveiller par le premier mouvement du concerto, le lassan , mouvement très lent, grave et solennel, le genre de musique qui vous crée un souffle au cœur d‘émotion contenue. Puis notre souris espiègle se faisait bousculer par le second mouvement en mode friska (allegro !) , diaboliquement frénétique, avec des envolées fougueuses , ce qui donne lieu à un déchainement de gags hilarants entre Tom et Jerry, ces derniers s’écharpant à coup de cordes pianistiques, se houspillant infatigablement en jouant avec les clés tout en respectant impeccablement le tempo du concerto.
C’est un huis-clos avec uniquement trois personnages : le piano, le chat et la souris mais qui , de mon point de vue d’enfant, était tout aussi virtuose que le compositeur qui l’avait inspiré. Je me souviens encore de mes rires mais aussi de mon émerveillement face à cette musique qui me transportait : j’en avais des fourmillements aux doigts. Ce n’est que bien plus tard que je découvris l’identité de ce concerto grandiose.
Pour ceux qui voudraient en savoir plus ou qui auraient vécu une enfance papouasienne dépourvue de Tom et Jerry ,voici donc la version dessin animé (en trois parties) de ce morceau d’anthologie traversé d’inspirations tziganes; et voici aussi une version ‘réelle ‘ en piano seul (l’originale) , ainsi qu’ une version orchestre (arrangée par le compositeur lui-même ultérieurement), tout aussi extraordinaire.
Et c’est avec du Liszt plein les oreilles que je débarquai frénétiquement au marché matinal : et que je te fasse une razzia sur les topinambours et les betteraves, et que je t’assaille les céleris verts , et que je te chaparde une butternut par-ci un chou rouge par-là , et que je tombe en pamoison devant les grenades si orientales et que je t’enlace les poireaux : on ne m’arrêtait plus.
C’est dans la même exaltation lisztienne (il faut écouter le morceau pour comprendre) que je fis un sors à tous ces légumes du jour pour préparer quelques accompagnements de saison. Je me suis simplement laissée inspirer par les légumes de saison en essayant de les accommoder simplement avec le contenu du panier, façon retour de marché, avec ma symphonie intérieure calquée sur Tom et Jerry bien sur! Accompagnements qui se feront un plaisir de se transformer en mezzé d’hiver pour un repas végétarien en compagnie de quelques céréales et légumineuses: à vous de voir ! Du moment que la friska est avec vous et que vous retombez en enfance le temps d’un dessin animé.
A servir chaud ou tiède, sauf pour la butternut et betterave marinées.
PS :Comme ce blog n’utilise que des légumes et fruits biologiques, je ne mentionne pas les précautions d’usage pour les zestes d’agrumes
Pour 4 personnes
Topinambours au vinaigre, ail et pancetta
- 600g de topinambours
- Le jus et le zeste d’un citron
- 4-5 tranches de pancetta
- 2 gousses d’ail
- 3 feuilles de laurier
- 3 à s de vinaigre de cidre
- 5 à 6 c à s de persil haché (feuilles et tiges comprises)
- Sel, poivre
- 20g de beurre
Chou rouge braisé à la grenade
- ½ petit chou rouge (environ 500g)
- 2 pommes
- 1 grenade
- 2 petits oignons rouges
- Environ 300 à 400ml de jus de pommes naturel et bio( sans sucre ajouté)
- 1 bâton de cannelle
- 2 clous de girofle
- 3 baies de genévrier
- 1 cc de graines de fenouil
- 1 gousse d’ail
- 1 c à s de sirop de Liège
- 1 petit bouquet de persil ou de coriandre voire les deux
Butternut crue et golden burpee cuite(une variété de betterave jaune) marinées à la clémentine
- ½ butternut (la tête sans pépins, le reste servira pour une soupe)
- 2 betteraves jaunes (ici golden burpee)
- 1 cm de gingembre frais pelé et râpé
- 1 gousse d’ail râpée
- 1cc de piment frais, épépiné et haché
- Le jus et le zeste de deux clémentines
- 2 c à s de jus de citron
- 6 c à s d’huile d’olive première pression à froid
- Quelques feuilles de menthe fraîche.
Navets rôtis au miel, salsa pommes-céleri vert
- 6 à 8 petits navets boules d’or
- 1 c à s d’origan séché
- 20g de beurre
- 1 c à s de miel
- 2 c à s d’huile d’olive
Salsa :
- 2 petites pommes
- 2 tiges de céleri vert
- 50g d’amandes avec peau
- 2 c à s de jus de citron
- 4 c à s d’huile d’olive
- Sel, poivre
Poireaux tièdes aux clémentines et au pourpier d’hiver (claytone de cuba)
- 3 poireaux
- 4 clémentines
- 1 botte de pourpier d’hiver (claytone de cuba)
- 3 c à s de jus de citron
- Sel , poivre, huile d’olive première pression à froid
Topinambours au vinaigre, ail et pancetta
Versez le jus de citron dans un grand bol d’eau froide : pelez les topinambours et plongez-les immédiatement dans l’eau citronnée pour éviter l’oxydation fatale.
Hachez l’ail et coupez la pancetta en brunoise
Chauffez le beurre avec 2 c à s d’huile d’olive dans une grande sauteuse à couvercle. Ajoutez les lardons et l’ail et faites dorer quelques minutes à feu moyen
Égouttez les topinambours et laissez-les rejoindre la sauteuse : rissolez cinq minutes supplémentaires
Déglacez avec le vinaigre et 2 c à s d’eau, ajoutez les feuilles de laurier, salez (légèrement rapport à la pancetta), poivrez puis couvrez. Laissez mijoter 20 à 30 minutes à feu doux selon l’âge des topinambours (testez la cuisson avec un petit couteau au bout de 20 minutes)
Hors du feu mélangez avec le persil haché et une pincée de zestes de citron. Servez chaud ou tiède.
Chou rouge braisé à la grenade
Émincez finement le chou rouge au couteau ou à l’aide d’un robot. Râpez l’ail, coupez les pommes en dés (sans les peler mais en enlevant les pépins), et émincez les oignons rouges
Chauffez 1 c à s d’huile d’olive dans une petit cocotte ou marmite et dorez l’ail et l’oignon. Ajoutez tous les épices et les pommes et rissolez 5 minutes supplémentaires.
Versez le chou rouge émincé, mouillez à mi-hauteur avec le jus de pommes, salez, poivrez et ajoutez le sirop de liège.
Portez à ébullition à découvert puis baissez le feu au minimum et laissez mijoter à feu doux pendant environ 30 à 40 minutes le temps que le chou rouge soit bien ramolli.
Pendant que le chou se meurt , prélevez les graines de grenade et hachez la coriandre ou le persil.
Hors du feu ajoutez la grenade et les herbes et servez immédiatement.
Butternut et golden burpee (une variété de betterave jaune) marinées
Préchauffez le four à 180°C.
Lavez les betteraves, badigeonnez-les légèrement d’huile d’olive au pinceau, salez et enveloppez de papier aluminium(ou de papier cuisson ficelé).
Faites rôtir au four pendant 1h à 1h 15 selon la taille des bestioles (tâtez avec un couteau).
Laissez tiédir puis émincez finement à la mandoline ou avec un bon couteau.
Pelez la butternut et émincez là également en rondelles fines à la mandoline.
Préparez la marinade : mélangez le gingembre râpé ,l’ail, le piment le jus et le zeste des clémentines, le jus de citron ainsi que l’huile d’olive. Salez à votre convenance.
Mélangez les légumes avec la marinade et laissez reposer au frais pendant au moins deux heures (ou la veille pour le lendemain).
Servez égoutté et frais avec quelques feuilles de menthe en chiffonnade.
Navets rôtis au miel, salsa pommes-céleri vert
Préchauffez le four à 180°C
Dans un plat allant au four disposez le beurre, le miel et 2 c à s d’huile d’olive. Laissez fondre 2-3 au four. Sortez le plat de son antre.
Pelez les navets avant de les couper en deux : salez, poivre, origanez !
Disposez les navets dans le plat, couvrez avec du papier de cuisson ou du papier aluminium et laissez cuire 15 minutes.
Retournez les navets sur l’autre face et poursuivez la cuisson pendant 15 minutes.
Pendant ce temps occupez-vous intelligemment avec la salsa : émincez les pommes (avec leur peau) en brunoise ainsi que les tiges de céleri vert. Hachez les feuilles de céleri ainsi que les amandes. Mélangez le tout avant d’assaisonner avec le citron et l’huile d’olive. Salez, poivrez.
Laissez les navets reposer 10 mn avant de les badigeonner une dernière fois avec leur jus de cuisson. Ôtez les du plat et servez chaud ou tiède saupoudré de salsa froide pour un contraste de textures bienvenu.
Poireaux tièdes aux clémentines et au pourpier d’hiver (claytone de cuba)
Détaillez les poireaux en tronçons en enlevant l’extrémité chevelue : faites cuire à la vapeur ou dans de l’eau salée bouillonnante pendant 3 mn. Plongez dans de l’eau froide si vous avez opté pour la cuisson à l’anglaise pour stopper la cuisson et égouttez aussitôt. Réservez.
Prélevez le zeste et les suprêmes des clémentine (sinon vous pouvez aussi découpez les clémentines en rondelles mais débarrassées de leur peau blanche).
Fouettez fissa le zeste avec le jus de citron, et 6 c à s d’huile d’olive. Salez, poivrez.
Coupez le pourpier à la racine pour éliminer la partie des tiges un peu trop filandreuses (environ 1 cm de la base de la tige).
Mélangez le pourpier, les poireaux et les clémentines. Arrosez avec un peu de vinaigrette. Servez tiède ou froid.
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