Miso toute! Crackers aux graines et au miso, houmous au miso et aux poivrons rouges
par Hind
Par une chaude journée estivale, le légumiste alangui par la torpeur environnante ouvrit nonchalamment son réfrigérateur : des milliers d’années d’histoire lui sautèrent sans crier gare dans les bras.
D’abord sous la forme d’un vermillon capsicum annuum commun c’est-à-dire un modeste poivron rouge qui partage avec le piment la même espèce d’origine. Quelques 5000 ans avant notre ère, quelque part au Mexique près de la vallée de Tehucan, un quidam décida de commencer à cultiver le dit piment présent encore de nos jours à l’état sauvage. Mystère de l’agriculture et des civilisations précolombiennes dont on ne connaitra sans doute jamais l’ampleur culturelle : toujours est-il que le piment constituait le quatrième pilier d’une alimentation basée sur le haricot, le maïs et la courge (alias les trois sœurs) comme nous en avions palabré dans la recette ci-contre.
Quelques siècles plus tard, un voyageur qui deviendra célèbre se lance dans la course des épices, activité florissante qui pousse les navigateurs à entreprendre sans cesses les traversées les plus périlleuses pour marchander les précieux trésors parfumés. Il écrit : « il y a aussi beaucoup d’aji, qui est leur poivre et est bien meilleur que le nôtre ». Nous sommes en 1492, à l’aube d’un destin tragique pour les populations autochtones d’Amérique, en compagnie de Christophe Colomb qui vient de » découvrir » le piment. Mais ce sont les portugais, détendeurs du monopole des épices qui se chargeront de le faire essaimer à travers le monde : en méditerranée d’abord puis en Asie où il se propage via les comptoirs indiens de Calicut et de Goa en conquérant la chine, la Corée, la Malaisie et autres philippines, puis en Afrique du nord avec les morisques juifs et musulmans chassés d’Espagne avec la Reconquista . Le piment continuera ensuite sa course folle dans le reste de l’Afrique toujours grâce aux comptoirs portugais avant de séduire les Balkans et l’Europe centrale via l’empire ottoman. L’histoire des légumes se confond toujours avec celles des empires, qu’on disait.
Petit à petit les agronomes sélectionnent deux variétés principales : le piment himself qui conserve son caractère piquant et le poivron, légume charnu et rond en bouche avec une douceur presque sucrée, qui tous deux coexistent dans cette fameuse famille des solanacées , famille nombreuses qui compte des membres célèbres comme la pomme de terre, l’aubergine ,la tomate ou encore… le tabac et le physalis !
Le légumiste était donc déjà abasourdi par la fabuleuse histoire des poivrons quand un reste de pâte hatcho miso (miso de soja de couleur brun foncé ayant fermenté au moins 18 mois) le nargua depuis le fond_sournois comme tous les fonds_ du réfrigérateur. Et là encore il contempla près de 15 siècles d’histoire. Car l’on raconte que la célèbre pâte fermentée aurait été introduite au japon via la chine quelque part au VIème siècle. Pour en savoir plus voici un résumé plutôt bien fait des variétés de miso ainsi que l’explication de la préparation de base et des techniques de fermentation.
Toutes les fermentations fascinent le légumiste : vin, bière, pain, kimchi mais le miso occupe une place spéciale grâce à une » nipponmania « affirmée et à cet indescriptible gout d’umami, capable de sortir de l’ennui le moindre bouillon ou sauce léthargiques.
Quelques restes de pois-chiches cuits plus tard, le légumiste décida de ce lancer dans un apéritif miso toute, avec un hoummous aux capsicums et des crackers au miso et aux graines, histoire de faire trempette tout en faisant copain avec son intestin.(mais si allez lire les vertus du miso sur la santé).
La recette des crackers est par ailleurs inspirée d’un succinct mais joli livre : la pâte miso, aliment millénaire,
Le légumiste en profita pour abandonner son alain-delonisme de bon aloi et cesser de parler à la troisième personne : à vos mixers ! Et tentez de résister à la dégustation de toute la taque de crackers (exercice éminemment difficile qui fait appel à la voie du tao).
Pour les crackers:
- 210g de mélange de graines biologiques (lin, sésame blond, sésame noir, graine de courges, graines de tournesol)
- 1 c à s de graines de fenouil
- 250g de farine bio T65
- 2 cc rases de levure chimique
- 12cl d’eau
- 10 cl d’huile de tournesol
- 40g de pâte hatcho miso biologique (l’une des plus fermentées/corsées et à base de soja, mais vous pouvez opter pour le miso que vous avez sous la main)
Pour l’houmous aux poivrons rouges:
- 300g de pois chiches trempés la veille
- 1 gousse d’ail
- Le jus d’un demi-citron
- 2 poivrons rouges
- 3 c à s d’huile d’olive
- 2 c à s de tahiné ( pâte de sésame)
- 2 c à s de pâte de miso doux biologique (miso blanc ou jaune à base de riz)
- ½ cc de piment en poudre (facultatif, pour une version un peu hot)
- 1 cc de paprika
- 1 cc de cumin moulu
- 3 c à s de ciboulette hachée
Hoummoussons moussaillon
Faites cuire les pois-chiches dans 4 fois leur volume d’eau non salée pendant environ une petite heure voire une heure 30 (gouttez pour tester la cuisson) Egouttez et réservez une petite louche d’eau de cuisson. Pendant ce temps faites griller les poivrons rouges à la flamme ou au four (environ 20 mn avec une lichette d’huile d’olive à 200°C). Epluchez et réservez.
Mixez les pois-chiches avec l’eau de cuisson réservée et le reste des ingrédients (sauf la ciboulette) avec un acharnement non dissimulé jusqu’à obtenir une pâte bien lisse. Ajoutez un peu d’eau si nécessaire et selon la texture désirée. Terminez avec la ciboulette et réservez au frais.
Croquons les crackers
Préchauffez le four à 180°C en chaleur tournante.
Fouettez le miso avec l’huile et l’eau, mélangez la farine avec la levure et les graines. Versez le lquide sur les ingrédients secs et pétrissez soigneusement à la main de façon à avoir une pâte homogène (l’opération prend 5 minutes pas plus)
Divisez la pâte en deux boules. Puis disposez chaque boule entre deux feuilles de papier sulfurisé :étalez finement au rouleau, retirez la feuille du haut et découpez en rectangles , en ronds , en cœurs , en perce-neiges (heu arrêtons-nous là). Bref choisissez un objet géométrique, si possible élégant, qui vous permettra de faire trempette sans peine dans le futur hoummous (qui se morfond au frais, pour rappel).
Glissez la feuille sur une taque de cuisson puis faites cuire 15 minutes (en tournant la plaque à mi-cuisson) puis 10 minutes en baissant la température à 160°C. Laissez refroidir sur une grille.
Dévorez consciencieusement en répartissant de manière équitable (ou pas) le houmous sur le cracker. L’inverse est également possible.
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