Buns au lait battu (lait ribot)
par Hind
C’est dimanche et il est 14 heures. L’heure de la sieste plane sur la cité blanche, Rabat, ma ville natale. La maison est assoupie, les bruits de la cuisine se sont tus, le chat s’étire au soleil, les rideaux volettent doucement dans la brise du sud et la radio ronronne en sourdine. Soudain un voile se déchire sur la beauté du monde. Deux pianos se suivent, s’emmêlent, les notes s’entrechoquent, les trilles s’envolent dans le ciel clair, une allégresse surnaturelle envahit la maison endormie. J’ai 7 ans et je découvre Mozart à la radio. A 14h08, J’ai toujours 7 ans et la grâce de cette musique me remplit d’une joie indescriptible : un monde nouveau dont je ne soupçonnais pas l’existence s’ouvre à mon âme d’enfant. Un vertige d’harmonie et de virtuosité me bouleverse sans crier gare.
Je saurai ultérieurement que l’objet de mon émerveillement s’intitule la sonate pour deux pianos en ré majeur et qu’il s’agissait du premier mouvement Allegro con spirito. Je découvrirai par la suite que c’est une des seules œuvres de Mozart écrites pour deux pianos, à 25 ans pour un concert qu’il devait donner avec la pianiste et compositrice Joséphine von Aurnhammer, dont les rares portraits nous laissent deviner une très jolie créature par ailleurs.
Quelques années plus tard, me voici avec la même sonate au creux de l’oreille et de la farine plein les doigts. Parce que cette sonate fait partie de mes deux remèdes anti-déprimes, parce que Mozart réussit à me protéger un court instant de la violence et de la tristesse du monde (enfin il vaut mieux éviter de se plonger dans son Requiem). Le deuxième remède étant Lagaan, un film Bollywood de 3 heures sur le cricket et le raj britannique (dans cet ordre) avec des chansons à l’entrain magnifique, capables de soutirer un sourire à un navetteur de la SNCB un soir de pluie et de trains en retard avec la petite voix qui susurre des excuses inintelligibles. C’est vous dire!
Mais pourquoi de la farine me direz-vous à juste titre ? J’avais tout simplement décidé de préparer des hamburgers végétariens, il fallait donc commencer par fabriquer les fameux buns, amoureusement saupoudrés de graines croquantes pour blottir jalousement mes futures garnitures.
Et quoi de mieux que du lait battu (en lieu et place du lait) pour obtenir une mie moelleuse, filante , à tel point que d’aucuns dans la maisonnée les ont dévorés généreusement tartinés de pâte au chocolat (Jean Hervé, la meilleure à mon humble avis) à l’heure du gouter.
Le lait battu ou babeurre, est ce liquide aigrelet et épais résidu de la fabrication du beurre après barattage. Connu sur tous les continents, il se présente sous différentes appellations : Lben au Maroc, Buttermilk chez les anglais ou encore lait ribot chez les bretons. J’avais coutume de le consommer enfant, versé sur de la semoule de couscous à la manière d’un porridge que l’on pouvait déguster salé avec du cumin, ou sucré et saupoudré de cannelle.
Farinons, farinons pour oublier temporairement la folie du monde, en écoutant notre sonate pour deux pianos. Cette oeuvre aurait par ailleurs contribué à l’étude scientifique de l’effet Mozart : elle augmenterait l’intelligence spatio-temporelle et agirait comme un anti-dépresseur naturel. Tout est bon pour se laisser mozartiser ! Rendez-vous au prochain épisode pour la recette des burgers végétariens.
Pour 8 buns
- 500g de farine blanche de froment bio T65
- 11 g de levure sèche de boulanger
- 20 g de sucre de canne ou de sucre de coco
- 1/2 cc de sel
- 1,5 œuf (battez deux œufs entiers, pesez et versez 75% du poids dans le saladier, le reste servira pour la finition))
- 200ml de lait battu(lait ribot)
- 30g de beurre
- 1 c à s d’huile de tournesol pour le saladier à lever.
Finition :
- 2 c à s de graines de sésame blond
- 2 c à s de graines de sésame noir
- 2 c à s de graines de courges
- 2 c à s de graines de lin
- ½ œuf battu avec 2 c à s de lait et une pincée de sel
Lancez l’attaque de la sonate et la pâte par la même occasion : mélangez la farine avec le sel, le sucre et le beurre jusqu’à ce que le beurre soit bien incorporé à la farine. Faites un puits dans la pâte puis ajoutez la levure, l’œuf et demi, et le lait ribot. Mélangez grossièrement puis laissez reposer la pâte 10 minutes.
Si vous utilisez le robot, pétrissez au crochet pendant 10 mn à vitesse lente puis 10 minutes à vitesse plus élevée jusqu’à ce la pâte soit souple et dépourvue de grumeaux. Versez la pâte sur un plan fariné et pétrissez quelques minutes à la main avant de former une boule. Pour la bonne vieille technique du pétrissage à la main, fraisez et pétrissez sans relâche sur un plan de travail fariné pendant une vingtaine de minutes, jusqu’à ce que la pâte soit souple sous les doigts. N’hésitez pas à rajouter un peu de lait battu ou un peu de farine selon la consistance et le pouvoir d’absorption de votre farine.
Disposez la boule dans un grand saladier légèrement huilé (huile de tournesol), couvrez avec un linge propre et laissez lever à température ambiante pendant 1h30 à 2h jusqu’à ce que la pâte ait bien doublé de volume.
Dégazez délicatement le pâton sur un plan de travail fariné et préchauffez le four à 200°C.( chaleur tournante). Disposez deux feuilles de papier sulfurisé sur deux taques à four.Roulez le paton en boudin. Tout en douceur: ne suivez pas l’emballement de la sonate.
Découpez 8 morceaux à l’aide d’un coupe pâte ou d’un couteau aiguisé puis formez 8 petites boules. Déposez 4 boules bien espacées sur chaque taque,couvrez d’un linge propre et laissez lever 30 à 40 mn à température ambiante.
Brossez au pinceau chaque petit pain avec l’œuf battu au lait, saupoudrez généreusement ave les graines de votre choix. Enfournez 5 minutes à 200°C puis 10 à 12 minutes à 180°C jusqu’à ce que les pains soient bien dorés. Déposez sur une grille et laissez refroidir au moins 30 minutes avant de déguster.
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