Tsukemono de chou rouge, poulet au miso et bouillon clair de navet au dashi
par Hind
Et nous voici de nouveau embarqués, amis lecteurs, dans la vaste aventures des pickles, achards, tra’qed et autres kimchis pour un rendez-vous japonais tout en délicatesse et en simplicité heureuse.
La raison en était limpide : d’une part je me devais de faire un sort au reste de chou rouge rescapé du pesto psychédélique , d’autre part la moindre occasion d’utiliser de la pâte miso ou de l’algue kombu me réjouit de manière absolument irrationnelle, grâce à une enfance marquée par la japanimation et d’une adolescence bercée de mangas en tout genre entre deux mélancolies nervaliennes.
Mais laissons là ces épanchements indiscrets mêlant Golodorak et desdichado du dimanche(tout en gardant une pensée émue pour l’hilarant et improbable manga Ranma1/2 où l’on cause cuisine puisqu’on y apprend …à faire bouillir de l’eau).
Les tsukemono (littéralement choses macérées/odorantes) font partie de la myriade de petits accompagnement typiques des tablées japonaises, perpétuant ainsi la longue tradition asiatique (mais aussi orientale) de soigneux évitement du service à la russe, alias le sempiternel entrée-plat-dessert. Ce sont le plus souvent des légumes (mais aussi parfois des poissons ou encore des fruits comme les prunes des umeboshi) conservés dans de la saumure ou fermentés afin d’assurer une plus longue conservation.
Comme dans beaucoup d’histoires de préservation et de fermentation, le tsukemono est né de la nécessité. A l’instar d’autres latitudes, il fallait trouver un moyen de conserver les légumes pour traverser les hivers rudes tout en gardant le maximum de nutriments. Consommés lors de la cérémonie du thé ou avec du riz, les tsukemono dateraient de plusieurs siècles, leur apogée ayant été atteinte lors de l’ère EDO( 17ème-19ème sièce). La légende clame que l’origine de ces ‘choses macérées’ se trouve au temple Kayatsu de Nagoya communément appelé d’ailleurs le Tsukemono Jinja(jinja = temple). Les habitants de cette région côtière ayant coutume de vivre de maraichage et de récolte de sel marin, offraient légumes et sel chaque automne au dieu du temple. Pour conserver un peu plus longtemps les précieuses offrandes, l’on résolut d’enfermer légumes et sel dans la même jarre afin de mieux contenter les dieux. Heureuse initiative!Et c’est ainsi que le tsukemono aurait été inventé, l’occasion pour les descendants de ces villagois sagaces de célébrer chaque automne un festival dédié à cet art culinaire.
Depuis ,la famille des tsukemono s’est élargie formant une déclinaison impressionnante. Jugez plutôt cette liste non exhaustive :
- Shiozuke: légumes au sel conservés le plus souvent dans une jatte en terre avec poids pour presser les ingrédients (comme les fameuses prunes umeboshi)
- Suzuke : pickles à base de vinaigre (souvent éphémères car le vinaigre de riz a une acidité plus faible) comme le fameux beni shoga, un gingembre mariné de couleur rouge due à la présence de feuilles de perilla
- Amasuzuke : légumes macérés dans un mélange de vinaigre et de sucre(le fameux gari alias el gingembre à sushi)
- Nukazuke: légumes fermentés au son de riz, sel et piments secs pendant au moins 3 mois
- Kasuzuke: fermentation à base de sakesasu soit un mélange de reste de riz issu de la fermentation du sake, de sucre et de sel
- Misozuke : fermentation au miso
- Kojizuke : fermentation à base de moisissure de riz i.e koji, une sorte de champignon utilisé comme agent de fermentation pour le saké et le shoyu
- Shoyuzuke : pickles à base de sauce soja et de mirin
J’ai donc résolu de préparer aujourd’hui un petit repas d’inspiration nipponne en préparant un shiozuke de chou rouge utilisant une macération élémentaire à base de sel et d’algue kombu. La saveur obtenue dans ce pickles simplissime est tout à fait étonnante : un gout iodé grâce à l’algue et une concentration du parfum du chou tout en gardant de la fraicheur, sans tomber dans l’ excès de sel. Une révélation .Un bonheur enfantin, celui procuré par les plaisirs modestes dans cette cuisine nipponne toute entière dédiée à la soustraction et non à l’accumulation des saveurs.
J’ai complété mon repas par du poulet rôti au miso et une soupe claire de légumes pour offrir un menu complet.
A vos baguettes !
pour 4 personnes:
Tsukemono de chou rouge( à démarrer au moins 3 h à l’avance ou la veille)
- 600g de chou rouge (la moitié d’un chou moyen)
- 8g de sel fin
- 4g d’algue kombu bio (en vente dans la plupart des magasins biologiques , rayon asie)
Poulet rôti au miso(même fenêtre horaire que le tsukemono)
- 600g de filets de cuisse de poulets désossés et sans peau (si vous opter pour du filet diminuez le temps de cuisson d’environ 5 mn)
- 4 c à s rases de pâte de miso blanc biologique
- 3 c à s de saké
- 2 c à s de mirin
- 1 c à s de sucre muscovado
- 1 c à s de sauce soja ou de tamari
- 1 cc de gingembre frais râpé
Bouillon clair de navet au dashi
- 1 navet boule d’or
- 1 poireau
- 2 tiges de céleri vert
- 1 poignée d’algues wakamé.
- 2 c à s de saké
- 2 à 3 c à s de sauce soja (au gout)
- Le zeste d’un citron ou d’une lime
- Bouillon dashi ;
Tsukemonons : coupez le chou rouge en longueur puis latéralement de façon à avoir des carrés/rectangles grossiers. Pas la peine de sortir l’équerre : nous sommes entre nous. Versez le chou, l’algue et le sel dans un sac de congélation, mélangez bien puis fermez hermétiquement. Laissez reposer 15 min environ jusqu’à ce que l’algue ramollisse : sortez le kombu de son écrin, émincez-le en fines lanières avant de le laisser rejoindre à nouveau son compère chou. Laissez le tout macérer au réfrigérateur pendant au moins 3 heures: le chou va ramollir en prenant le gout de l’algue. Le temps de se coltiner au moins 4 volumes de Ranma ½. Avant de servir égouttez dans une passoire.
Misotons : fouettez sans crier gare le miso avec tous les ingrédients de la marinade. Versez sur le poulet et enfermez le tout dans un récipient hermétique. Laissez mariner au frais au moins trois heures voire la veille pour le lendemain. Au moment de passer à table préchauffez le four à 220°C. recouvrez un plat de cuisson avec du papier sulfurisé, égouttez les morceaux de poulet , disposez sur le plat de cuisson puis faites cuire 15 mn environ de chaque côté.
Bouillonnons : pour le dashi DYI, plongez l’algue kombu dans 800 ml d’eau sans faire bouillir. Laissez mijoter à feu doux jusqu’à ce que l’algue commence à flotter. Otez alors le kombu, portez à ébullition puis baissez le feu, et versez 200 ml d’eau(pour baisser la température du bouillon) . Ajoutez le katsuoboshi, laissez mijoter 5 mn à feu doux puis filtrez le bouillon.
Au moment de préparer la soupe claire, tailladez tous les légumes : épluchez et émincez le navet à la mandoline, détaillez le poireau (blanc et vert compris) et le céleri vert finement et réhydratez l’algue wakamé dans un grand bol d’eau froide. Portez le bouillon dashi réservé à ébullition avec le saké, plongez-y le navet , le céleri et le poireau(blanc seulement). Baissez le feu et laissez mijoter à feu moyen pendant 5 mn. Assaisonnez avec la sauce soja à votre gout puis hors du feu ajoutez le vert de poireau et l’algue wakame soigneusement égouttée. Saupoudrez de zeste de citron ou de lime.
Servez un petit bol de tsukemono de chou , un bol de soupe et un à deux morceaux de poulets par personne avec du riz blanc ou complet ou encore des nouilles (soba ou udon). Itadakimasu !
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