Cocotte de flageolets aux légumes racines et à la saucisse fumée

Cocotte de flageolets aux légumes racines et à la saucisse fumée
Hind
par

La guerre fit rage pendant des siècles.

Elle fut féroce , sournoise  et  acharnée tant chaque clan campait sur ses positions. Comme toujours dans les futiles querelles humaines me direz-vous, ami et néanmoins lecteur.

Mais de quel conflit s’agit-il donc ?

Oh il ne s’agissait ni de sauver une ingénue troyenne, ni de s’emparer d’un quelconque territoire, encore moins de s’embarrasser d’élans patriotiques aux frontières contestées. Les hostilités opposaient les partisans du nouveau monde et de l’ancien monde.

Je vous vois venir : Boileau et Perrault s’étripant sous le règle de Louis XIV pour vanter les mérites comparés des anciens contre les modernes et vice versa ?

Que nenni : la polémique du jour n’est point artistique mais maraichère.

Nous causons tout bonnement de la guerre du haricot. Parfaitement.

Car, aussi étrange que cela puisse paraître, l’origine américaine du haricot fut longtemps reniée.

Pour certains, le fayot avait une origine européenne incontestable. Théophraste et Virgile n’avaient-ils pas décrit des phasoleus en tout point semblables aux haricots des chaumières ? Le botaniste arabe de Malaga, Ibn al Bayat ne l’avait-il pas inclus  dans l’ inventaire botanique de l’Andalousie  ? Les recherches archéologiques du site de Troie au XIXème siècle n’avaient-elles pas révélées des légumineuses enfouies ,ressemblant furieusement à notre haricot du jour ?

Le clan adverse soutenait mordicus que le haricot était bel et bien américain. Il serait arrivé  dans les bagages de Christophe Colomb après ses premières expéditions aux ‘indes’ occidentales avant d’essaimer dans le vieux monde. N’avait-on pas retrouvé des graines de haricot dans les tombeaux d’Ancon, près de Lima (Pérou) ? Ainsi que dans d’autres régions américaines : Arizona, Utah , Chicago. Quant à ce que le clan des anciens prenait pour des haricots, ce n’était que de vulgaires doliques, dolichos unguiculatus, une légumineuse très proche visuellement du haricot commun.

Il faudra attendre 1901 pour résoudre cette dispute insoutenable et ce grâce à un…coléoptère !

En effet aux début du XXème siècle, le talentueux entomologiste français , Jean-Henri Fabre se retrouve lui aussi confronté à la coriace énigme de ‘l’origine des haricots. Scientifique, poète ,philosophe mais aussi fin gourmet , Fabre, en bon provençal, raffole des haricots. Mais il est tout aussi perplexe que ses prédécesseurs quant à leur berceau.

Or il observe que les bruches, une variété de charançon, s’attaquent avec jubilation à toutes les légumineuses sauf le haricot. Fabre s’en étonne : si le haricot était originaire de la région il aurait du logiquement avoir son propre parasite. C’est là que la puissance discrète du hasard va intervenir. En effet, au même moment, une épidémie soudaine frappe les haricots de Provence : un bruche inconnu infeste toutes les récoltes. Fabre s’empresse de prélever un échantillon pour l ‘étudier : il s’avère que le coléoptère glouton est d’origine américaine et plusieurs expériences en laboratoire démontrent qu’il refuse de ravager les variétés de légumineuses domestiques.

Le haricot était bel et bien américain. Alleluiah ! Et l’on prouvera par la suite qu’il faisait partie de la culture amérindienne des trois sœurs  dont je vous avais entretenu ici.

Et c’est à l’aune de cette histoire rocambolesque que je contemplais mes flageolets du jour, avec leur belle robe vert pâle, innocemment mis à tremper la veille avant de finir en cocote des dimanches flageolants. Tant d’encre avaient coulé concernant leur naissance: il fallait donc leur rendre un hommage culinaire appuyé!

J’avais envie d’un plat rustique , réconfortant mais résolument légumiste : une poignée de persils  tubéreux , de panais et de carotte se morfondait au frais et avait grand besoin de se trouver un destin.

C’est chose faite avec cette cocotte d’hiver que la saucisse fumée va joliment raviver : le tout est parfumé à l’ail et aux zestes d’agrumes pour un ragoût qui claque en bouche. A servir avec une petite salade et un pain de campagne croustillant.

Pour 4 personnes

  • 150g de flageolets mis à tremper la veille
  • 200g de saucisse fumée polonaise (ou autre saucisse fumée au choix) coupée en tranches moyennes
  • 2 petits panais
  • 2 persils tubéreux
  • 2 carottes
  • 1 poireau
  • 2 tiges de céleri vert avec feuilles
  • 1 oignon blanc
  • 3 gousses d’ail
  • 1 c à s de graines de cumin
  • 1 c à s de graines de fenouil
  • 2 feuilles de laurier sec
  • Le zeste d’un citron
  • Le zeste d’une orange
  • 2 c à s de jus de citron
  • 1 petit bouquet de persil haché
  • Sel, poivre du moulin
  • Huile d’olive pour la cuisson

Sus aux haricots : égouttez les haricots, rincez-les puis faites les cuire dans un grand volume d’eau (au moins 4 fois leur propre volume) avec 2 feuilles de laurier séché, pendant 1 petite heure environ , à feu doux. Salez légèrement en fin de cuisson uniquement. Égouttez et réservez.

Pendant ce temps sus aux légumes : pelez les panais, persils tubéreux et les carottes. Coupez tout ce petit monde en brunoise (dés fins). Émincez les poireaux ,  blancs et verts compris, ainsi que les oignons. Pelez et pilez l’ail avec une pointe de sel. Hachez les feuilles de céleri vert, émincez finement les tiges.

Chauffez 1 c à s d’huile d’olive dans une grande cocotte à feu moyen : faites-y dorer les morceaux de saucisse fumée 1-2 mn de chaque côté. Otez les saucisses et réservez.

Jetez les graines de cumin et de fenouil dans la cocotte : faites rissoler pendant 5 mn. Faites suivre avec les oignons. Laissez les oignons fondre en touillant pendant quelques minutes jusqu’à ce qu’ils deviennent translucides. Ajoutez ensuite l’ail et les légumes racines.Salez, poivrez puis couvrez d’eau à hauteur.

Portez à ébullition, puis baissez le feu, couvrez et laissez mijoter une vingtaine de minutes à feu doux : testez la cuisson en croquant un morceau de persil tubéreux (sans vous brûler).

Ajoutez ensuite dans la cocotte, les haricots égouttés, les saucisses, les tiges de céleri vert et le poireau. Laissez fristouiller une dizaine de minute supplémentaires  le temps que les poireaux fondent.

Hors du feu ajoutez les feuilles de céleri vert, le persil haché , les zestes d’agrumes et le jus de citron. Mélangez bien et servez immédiatement, avec une belle tranche de pain ou une baguette croustillante.

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Commentaires

  1. Breda joe a écrit: 11 février 2024 à 8:20

    Une recette qui donne envie !

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