Koukou Sabzi (fritatta persane) aux épinards, sauce aux radis
par Hind
« Les épinards et Saint-Simon ont été mes seuls goûts durables, après celui toutefois de vivre à Paris avec cent louis de rente, faisant des livres. »
Ainsi parlait non pas Zarathoustra mais Stendhal qui vivait donc de livres et d’épinards. Ah la belle existence que voilà ! La légumiste -bouquineuse qui sommeille en moi ne pouvait qu’approuver cette déclaration flamboyante.
Surtout que l’épinard frais, feuillu, tremblotant, perlé, vibrant sur sa tige d’un vert tenace , oui l’épinard printanier dans toute sa splendeur nous fait comprendre combien ses ersatz congelés font pâle figure. Rien ne remplace l’émotion de la feuille fraîche et fragile que l’on a attendue avec délectation tout l’hiver. Joies des saisons qu’on disait.
Et aujourd’hui nous caracolons dans un voyage d’inspiration perse afin de rendre à César ce qui lui appartient.
L’épinard serait en effet apparu en Perse il y a quelque deux mille ans. Il est d’ailleurs mentionné en chine au VIIeme siècle sous le nom « d’herbe de perse » et dans la fameuse compilation « L’agriculture nabatéenne en Syrie au IVème siècle sous la même appellation.
Resté longtemps inconnu en dehors de son berceau d’origine, l’épinard va se répandre avec les conquêtes arabes et l’essor de l’islam : d’abord au moyen orient , puis en inde, en Asie,et enfin en Europe via l’Espagne et l’Andalousie musulmane. Ibn Al ‘Awwam, grand agronome andalou du XIIème, décrit avec une grande précision ses techniques de culture, d’ingénieux moyens d’irrigation pour l’adapter aux climats plus chauds , tout en le nommant « el ra’is « le prince des légumes.
De là l’épinard conquiert le sud de la France où il s’enracine dans la cuisine locale avant d’essaimer en Italie où il devient un ingrédient essentiel des cuisines de Venise , Florence ou Rome .Gnocchis, raviolis, torta pasquale, œufs à la florentine : les italiens sont véritablement tombés amoureux des épinards !
A la fin du Moyen Age , l’épinard est devenu populaire partout en Europe et à la renaissance, il n’est pas rare de croiser des fillettes montées sur des ânes et vendant des boulettes d’épinard blanchis à la criée.
En France, quand Catherine de Médicis, née à Florence, devient reine en 1547 , elle apporte avec elle non seulement une soif de pouvoir acharnée mais également une grande passion pour les épinards. La souveraine en consomme en effet quasiment à tous les repas, donnant ainsi naissance à toute une série de plats dit ‘à la florentine’.
Mais trêve de rêveries italiennes et revenons à la perse avec notre recette du jour. Le Koukou dans la gastronomie persane désigne une série de plats à base d’œufs similaires à la fritatta ou à l’omelette des chaumières locales; sabzi signifie ‘herbes ‘en persan : le koukou sabzi est donc une galette aux œufs et aux herbes, dans laquelle on rajoute des épices, des noix et de l’épine-vinette.
Dans la recette du jour, j’ai bricolé un koukou sabzi aux épinards et aux herbes, en remplaçant l’épine vinette par des airelles séchées et les noix par des noix de macadamia : s’adapter au contenu de ses placards reste une règle d’or en cuisine.
J’ai servi le tout avec une sauce bien fraîche aux yaourt et aux radis (en utilisant leurs fanes) pour rester dans une tonalité bien de saison, en ce mois d’avril capricieux.
J’ai préféré cuire mon koukou dans des petits moules pour pouvoir les transporter plus facilement en cas de pique-nique improvisé( sic!) mais rien n’empêche de faire une grande galette en augmentent le temps de cuisson.
Pour 4 à 6 personnes
- 6 œufs
- 250g d’épinards frais
- Un petit bouquet d’aneth
- Un petit bouquet de persil plat(une vingtaine de tiges)
- Un petit bouquet de coriandre fraiche(une vingtaine de tiges)
- 5 tiges d’oignons nouveaux
- 1 gousse d’ail pilée avec un peu de sel
- 150 de noix ou de noix de macadamia
- 50g d’airelles séchées
- 1 cc de cumin moulu
- ¼ cc de cannelle moulue
- ¼ cc de fenugrec
- 6 gousses de cardamome verte
- ½ cc de sel
- 1,5 cc de levure chimique
- Poivre du moulin
- Huile d’olive pour la cuisson
Sauce :
- 250g de yaourt à la grecque
- Une dizaine de radis avec fanes
- 1 gousse d’ail
- 1 cc de cumin moulu
- Sel au gout
- une poignée de feuilles de menthe hachées
Chauffez le four à 160°C
Commencez par laver toutes les herbes et les épinards avant de les sécher soigneusement. Hachez finement les herbes, ciselez les oignons nouveaux. Otez l’extrémité des bouquets d’épinards, émincez finement les tiges, coupez les feuilles grossièrement.
Hachez les noix grossièrement au couteau
Dans une grande poêle faites chauffer 1 c à s d’huile d’olive à feu moyen : faites tomber les épinards dans la poêle chaude, remuez comme un beau diable, ajoutez l’ail pilé avec le sel et laissez fondre 3 mn le temps que les feuilles s’étiolent et que les tiges soient saisies. Ôtez du feu et laisser tiédir.
Dans un grand bol fouettez vivement les œufs, ajoutez les épices,la levure chimique, les herbes,les épinards, les noix, les airelles et mélangez soigneusement
Versez dans de petits moules (ici moules rectangulaires en silicone 8*3*3 cm) ou dans un grand moule à manqué, légèrement huilé (ou recouvert de papier sulfurisé).
Faites cuire environ 20 à 25 mn au milieu du four (comptez 40 à 45 mn pour un grand moule) : testez la cuisson avec un couteau en milieu de cuisson histoire de vérifier les aptitudes de votre four.
Pendant ce temps, sus à la sauce : lavez et séchez les radis. Émincez les légumes très finement, hachez les fanes. Mixez le yaourt avec les fanes, l’ail ,le cumin et un peu de sel. Ajoutez les radis, la menthe et gardez au frais jusqu’au moment de servir.
Servez les koukous chauds ou tièdes avec la sauce yaourt-radis- bien fraîche et du pain croustillant.
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