Gâteau fondant aux amandes, chocolat et poires
par Hind
Ah qu’il a toujours été difficile de se fendre la poire, surtout en bonne société, et surtout quand il s’agit de critiquer les éminences qui nous gouvernent.
De fait la poire ,en dehors de ses ambitions comestibles ,a eu un grand destin de provocatrice politique dans le bel hexagone voisin, sous la forme d’une caricature célèbre « Les métamorphones de Louis-Philippe en poire ».
Mais en bonne poire, dévoilons cette histoire tragi-comique à l’aune des débats sur la liberté d’expression et de cette frontière toujours incertaine entre la critique et la diffamation.
Nous sommes en 1830, en France sous le règne du roi Louis Philippe, le dernier « roi des français ». Epoque agitée s’il en est, où la monarchie de juillet tente de consolider les acquis de 1789 tout en renforçant le pouvoir naissant de la bourgeoisie. La philosophie de Louis-Philippe tient en une seule phrase : « Nous chercherons à nous tenir dans un juste milieu, également éloigné des excès du pouvoir populaire et des abus du pouvoir royal ».
Malgré cette bonne volonté manifeste, le règne de Louis-Philippe ne tient visiblement pas ses promesses : la presse satirique ne tarde pas à proférer une série de griefs contre le gouvernement sous l’égide d’un caricaturiste célèbre :Charles Philipon. Entrepreneur aguerri, journaliste, lithographe et éditeur de deux publications satiriques illustrées ‘La caricature’ et ‘Charivari‘, Philipon peut également compter sur une pléthore de polémistes et de dessinateurs renommés : Daumier, Balzac (oui Honoré lui-même),Grandville etc… Le caricaturiste ne tarde pas à s’en prendre à la personne même du roi ce qui le conduit manu militari à la cour d’assises. Ah c’est qu’on ne se payait pas la poire royale sans en subir les foudres (ou les pépins, c’est selon).
Le procès retentissant restera dans les annales : pour sa défense, Philipon argue que ‘Tout peut ressembler au roi’!Et de se lancer dans une série de croquis qui transforment la bouille monarchique en graffiti piriforme ; ces croquis rentreront dans l’histoire sous le nom de « croquades faites à l’audience du 14 Novembre 1831 ».
Le prolifique dessinateur Honoré Daumier s’en empare peu après pour un autre dessin devenu tout aussi célèbre et sobrement intitulé ’les poires’.
Le succès est fulgurant : la poire gagne tous les supports médiatiques, elle envahit les murs, s’incruste dans les chansons, se glisse dans les représentations théâtrales. Partout l’on barbouille, l’on gratte, l’on crayonne des fruits ventrus jusqu’à ce que les murailles de Paris deviennent de véritables odes « pyrusiennes » !
La poire devient non seulement un hommage singulier à l’art de la caricature mais également une critique féroce de ce fameux ‘juste milieu’, d’un certain esprit petit bourgeois si prompt à dégainer l’oxymore et à sanctifier le gain. L’ordre mercantile symbolisé par un bourgeois ventru et étroit d’esprit trouve sa personnification parfaite dans la silhouette piriforme surtout dans une contexte politique propice aux cafouillages et à l’entre-deux molasse. Et l’on s’égosille partout dans Paris :« Qu’est-ce que le juste-milieu dans la rue ? : Le ruisseau ! »
Philipon finira par être condamné pour outrages à la personne du roi et écopera d’une peine de prison de six mois et de 2000 francs d’amende. Ce qui ne l’empêchera guère quelques années plus tard de fomenter le projet de ‘monument à la poire expiatoire’ à l’endroit même où Louis XVI fut guillotiné.
L’art délicat de la caricature m’amena à reconsidérer mes premières jolies poires d’automnes sous un autre jour, autrement plus prestigieux. Mais dans l’heure, il s’agissait de se concocter une gourmandise facile et surtout chocolatée. Je résolu donc de fabriquer ce joli gâteau aux amandes, poires et chocolats dans lequel j’utilise des amandes entières moulues au robot au lieu d’une poudre d’amande du commerce : le gout d’oléagineux devient plus prononcé tout en se mariant parfaitement avec les poires.
Ma faiblesse éternelle envers les épices sous toutes leurs formes m’amena à y rajouter du gingembre : juste ce qu’il faut pour donner du piquant sans camoufler ni le goût du chocolat ni celui de la poire. Dernier point: nul besoin de farine car les amandes se chargent de la texture et du liant dans ce gateau fondant.
A vos fourneaux ! Et vous n’êtes pas obligés de choisir entre la poire et le fromage…
Pour 6-8 personnes et un moule de 20cm de diamètre
- 2 à 3 belles petites poires fermes
- 80g de chocolat noir bio à 72% de cacao
- 20g de chocolat noir bio à 85% de cacao
- 85g de beurre fermier
- 100g d’amandes entières.
- 1 c à s de purée d’amandes blanches (en vente en magasin bio)
- 3 œufs
- 85 de sucre de canne blond biologique
- Le jus d’un demi-citron pour éviter l’oxydation des poires
- 1 cc de gingembre moulu
- 2 c à s de cacao non sucré et 2 c à s d’huile végétale pour le moule
Préchauffez le four à 180°C (160°C si chaleur tournante)
Huilez légèrement un moule à manqué de 20 cm de diamètre avant de le recouvrir de papier sulfurisé(l’huile aide à fixer le papier). Huilez de nouveau légèrement le papier et saupoudrez de cacao en tapotant au-dessus de l’évier pour enlever l’excèdent.
Faites fondre les deux chocolats avec le beurre et la purée d’amandes au bain marie. Ôtez du feu et laissez refroidir
Pelez les poires, coupez-les en quartier avant de les épépiner et d’enlever la nervure centrale. Citronnez-les légèrement et réservez dans un bol.
Torréfiez légèrement les amandes à sec pendant 5 mn et à feu moyen (5 sur induction). Laissez tiédir puis mixez au robot jusqu’à obtenir une poudre fine.
Clarifiez les œufs (séparez les blancs des jaunes) dans deux saladiers différents. Commencez par battre au fouet électriques les blancs en neige avec une pincée de sel jusqu’à ce qu’ils soient bien fermes.
Dans un autre saladier fouettez les jaunes d’œufs avec le sucre et le gingembre moulu jusqu’à ce que le mélange blanchisse (comptez 6-7 mn au fouet électrique). Ajoutez la poudre d’amande et le mélange au chocolat : fouettez à nouveau.
Jetez heu enfin débarrassez-vous de votre fouet, et emparez-vous d’une maryse : amalgamez petit à petit les blancs d’œufs avec le mélange au chocolat délicatement.
Versez la pâte dans le moule et disposez les morceaux de poire par-dessus en rosace
Enfournez pour 35 mn , en bas du four.(Pour éviter que les poires ne cuisent de trop)
Laissez tiédir 10 mn avant de démoulez : dégustez tiède ou froid.
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