Tajine d’agneau aux topinambours

Tajine d'agneau aux topinambours
Hind
par

Replongeons, amis lecteurs, l’espace d’un article éphémère, dans la grande saga des légumes mal-aimés voire oubliés, une saga avec moult rebondissements où le tubercule boursouflé  d’aujourd’hui tient un rôle de protagoniste majeur; façon soap opera languissant (mais sans le brushing californien).

Du moins dans les tablées occidentales, car par exemple dans la gastronomie marocaine, le topinambour appelé dans la langue du cru ‘patate des roseaux ‘( batata kasbia), en raison de l’étonnante  longueur de ses tiges, occupe une place de choix dans les légumes locaux de par son délicat gout d’artichaut. Oui je vous  vois venir : on oserait clamer ce quasi aphorisme pour tous les légumes un brin oubliés, surtout les légumes racines. Mais là point d’artifice : il y a vraiment un gout d’artichaut sous l’enveloppe grumeleuse de notre tubercule dédaigné. Raison pour laquelle nos amis anglo-saxons le nomment Jerusalem Artichoke. Mais pourquoi Jerusalem me diriez-vous d’un air goguenard ? La méprise viendrait de son nom italien « girasole del canada » compte tenu  de  la ressemblance de ses imposantes  fleurs jaunes  avec les tournesols. La langue anglaise aurait fourché sur la prononciation de girasole injectant de la sainteté là où il n’y aurait qu’une confusion linguistique !

champs de topinambours

champ de topinambours: c’est haut!

A propose de linguistique, souvenez-vous : j’avais déjà évoqué dans cette recette l’origine du nom topinambour : et là encore, nous retrouvons une histoire de fourvoiement linguistique du à la malheureuse exhibition des indiens Tupinambous en France au   XVIème siècle. Les infortunés indiens y laisseront la vie mais légueront leur nom au tubercule du nouveau monde, ‘découvert’ par Samuel de Champlain, gouverneur du Canada sur la terre des indiens hurons et algonquins, qui le consommaient depuis belle lurette.

fleur de topinambour

Fleur de topinambour: on comprend mieux la comparaison avec les tournesols!

Le succès fut d’abord fulgurant : on se réjouissait de la capacité de la « truffe du canada » à se multiplier comme par magie. Le topinambour s’acclimate en effet à une grande variété de sols et s’empresse de pousser voire d’envahir les champs avec une vivacité redoutable. Cependant dès le milieu du XVIIème siècle il commence à se forger une réputation malheureuse en Europe , avec ses fameux ‘vents’ intempestifs, jusqu’à être quasi rejeté et servir exclusivement de nourriture pour le bétail. Sa consommation forcée lors de la seconde guerre mondiale ne contribuera point à redorer son blason. Car contrairement à la pomme de terre, les topinambours et les rutabagas n’étaient pas réquisitionnés par les allemands, et servirent donc à lutter contre le rationnement vu la simplicité de leur culture et à leur pouvoir rassasiant.

Et pourtant c’est un légume  plus qu’intéressant d’un point de vue nutritionnel : le topinambour a en effet une teneur en sucres naturels (inuline, fructose)_ utilisés par la plante comme réserves_ qui en fait un aliment toléré par les diabétiques. Il est également riche en fer, vitamine B1, phosphore et potassium avec une teneur calorique plus que faible.

Alors oui abordons le sujet qui fache : le point flatulences ! Mais sachez cependant que celles-ci sont très variables selon les individus et la condition de leur flore intestinale. Le monde est injuste , sachons le une fois pour toute. Il y a aussi quelques astuces : le topinambour cru ne cause à priori aucun de ses désagréments (prochainement sur ce blog) et si on choisit de le braiser  on peut ajouter de la sauge, ou  du bicarbonate ou une pomme de terre dans l’eau de cuisson qui introduira une enzyme aidant à absorber la fameuse inuline du topinambour. Je n’ai par contre pas de solution pour la cuisson vapeur.

La recette du jour est ma version d’un classique des tajines marocains : le tajine aux topinambours. On peut remplacer la viande d’agneau par de la volaille ou encore par des pois-chiches pour une option végétarienne. Le temps de cuisson des topinambours dépend de leur âge : fraichement cueillis ils seront plus fermes et mettront plus de temps à cuire. Comptez 20 à 30-40 minutes de cuisson en général à feu doux ( en mode braisage). Le mieux étant de tester avec un petit couteau après 20 minutes de cuisson.

Alors rendons hommages aux topinambours mal-aimés et démentons le grand Pierre Desproges :

Le goût, enfin, que nous avons gardé pour la bonne bouche, c’est bien le moindre hommage à lui rendre, peut être considéré comme le plus distingué des cinq sens. Au reste , il fait généralement défaut chez les masses populaires où l’on n’hésite pas à se priver de caviar pour se goinfrer de topinambours ! On croit rêver ! ! C’est pourquoi je fous tout à coup des points d’exclamation partout alors que, généralement, j’évite ce genre de ponctuation facile dont le dessin bital et monocouille ne peut qu’heurter la pudeur.

Dictionnaire superflu à l’usage de l’élite et des bien nantis 

Pour 4 personnes :

  • 800g d’agneau (épaule coupée en morceaux ou souris d’agneau)
  • 500g de topinambours
  • 3 oignons moyens (environ 300g)
  • 2 citrons
  • 2 gousses d’ail
  • 2 cm de gingembre frais( ou 1 cc  de gingembre moulu)
  • 1 cm de curcuma frais (sinon 1 cc de curcuma moulu)
  • 1 cc de coriandre moulue
  • ½ cc de cannelle moulue
  • 1 pincée de safran en filaments
  • 1 bâton de cannelle
  • 1 cc de smen (facultatif, beurre fermenté marocain qu’on peut remplacer par une cc de roquefort mélangé à du beurre en quantité égale !)
  • Sel, poivre
  • 1 lichette d’huile d’olive
  • 1 cc de fécule de mais diluée dans un peu d’eau
  • Une dizaine de tiges de persil haché(tiges et feuilles comprises)

Sus aux topinambours : préparez un grand bol d’eau froide dans lequel vous presserez le premier citron. Une précaution d’usage car le topinambour s’oxyde à l’air libre. Pelez chaque topinambour soigneusement avec un économe et plongez-le immédiatement dans l’eau citronnée. Réservez.

souris d'agneau et topinambours: a marriage made in heaven

souris d’agneau et topinambours: a marriage made in heaven

Râpez le gingembre, le curcuma, l’ail ainsi que les oignons (vous pouvez également les mixer, pas trop finement l’idée n’étant pas d’obtenir une purée mais un mélange finement hâché)

Dans une grande cocotte, faites chauffez à feu moyen une c à s d’huile d’olive. Salez la viande et saisissez là à vif 5 mn de chaque côté le temps de la dorer. Sortez la viande de la cocotte et réservez. Débarrassez la cocotte de la graisse lâchée par la viande et remettez sur le feu

Versez les oignons, le gingembre, l’ail, le curcuma ainsi que toutes les épices (sauf le safran) et le smen dans la cocotte. Salez, poivrez, grattez bien les sucs et rissolez 2 à 3 mn. Remettez la viande dans la cocotte et mouillez à hauteur avec de l’eau. Ajoutez le safran.

Portez la cocotte à ébullition puis baissez le feu et laissez cuire à couvert 50 mn à 1h à feu moyennement doux (3 sur induction). Vérifiez la cuisson de la viande et prolongez un peu la cuisson si nécessaire.

Quand la viande est cuite, libérez-la de la cocotte. Égouttez les topinambours et plongez les dans la sauce du tajine : laissez cuire à couvert et à feu doux 20 à 30 minutes selon l’âge de vos racines(cf les conseils plus haut, testez la cuisson selon l’âge des topinambours). Sortez les légumes de la sauce, ajoutez le fécule de maïs et laissez réduire la sauce pendant une quinzaine de minutes ;

Au moment de servir, réchauffez la viande et les légumes dans la sauce du tajine, ajoutez le persil haché et arrosez du jus de citron restant.

Servez chaud avec du pain croustillant pour bien saucer.

 

 

 

print
Partager

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *