Pseudo-Kimchi de courgettes et petits nids de nouilles froides

Pseudo Kimchi de courgettes!
Hind
par

L’histoire des légumes se confond avec l’histoire des empires qu’on disait.  Splendeurs et misères( de la courge), stupeur et tremblement(de la tomate), grandeur et décadence (du chou rave): les légumes accompagnent l’histoire humaine et témoignent de nos tentatives répétées d’établir _ou hélas  de détruire _des civilisations  toujours fragiles.

Mais nos pauvres mémoires sélectives nous font souvent oublier nos héritages culinaires à tel point que nous vivons avec des mythes gastronomiques bien ancrés, chamboulés dès que l’on ouvre le  moindre encyclopedia  britannica sur la question(Le choix des armes de lectures est très subjectif sur ces pages). Ainsi la boisson nationale marocaine, le fameux thé à la menthe, qui semble faire partie d’un patrimoine intemporel  daterait en fait du XVIIIème siècle lorsque la compagnie des indes anglaises abreuva les ports atlantiques du royaume en thé de chine. En Italie, il faudra attendre le XVIIIème siècle toujours pour que la  tomate fasse son apparition sur la pizza, poussée par l’invention de la fameuse Pizza Margarita en hommage à la reine Marguerite de Savoie en 1889. Et le piment qui semble faire partie des aromates indispensables de la cuisine indienne et coréenne ne fait son apparition qu’à partir du XVIeme siècle lors de l’installation de comptoirs portugais sur le continent asiatique, à commencer par le Japon.

Mais enfin, se demande le lecteur affolé, à quoi ressemblait donc l’emblématique kimchi coréen avant l’introduction du piment ? D’abord cher lecteur préoccupé, tous les kimchis ne sont pas pimentés même si convenons-en on, a souvent en tête la couleur vibrante de la populaire variante au  chou chinois parmi les 200 variétés de kimchi répertoriés. En Corée, pays ou l’hiver est plutôt coriace, la tradition de fermentation lactiques de légumes pour les conserver daterait du Vème siècle, voire même bien avant. Il semblerait que cette technique de conservation favorisait aussi la digestion des céréales de l’époque : le millet et l’orge, le riz ne faisant son apparition que bien plus tard.

A l’époque des Trois royaumes(Ier av. n. ère – VIIe siècle de notre ère), des témoignages écrits décrivent le soja fermenté , le brassage de l’alcool ,le sotkal(poisson fermenté ) et les radis en saumure abondamment   consommés par les peuple ripailleurs du Koguryeo, l’un des sus-dit  royaumes coréens de l’époque.

Le terme Kimchi en tant que tel apparait lors du règne de la dynastie Koryeo(918-1392) où le lettré Yi Gyubo (1168-1241) s’extasie avec une verve toute poétique sur la préparation du kimchi au navet. Les concombres, les poireaux sauvages, les feuilles de moutardes ainsi que les pousses de bambou viennent  aussi faire joujou en mode kimchi, mais toujours sans piment car l’Amérique vivait encore secrètement loin du reste du monde !

Il faudra attendre la dynastie Joseon(1392-1910) et l’installation des comptoirs Portugais au japon pour  que notre capsicum fasse une entrée fracassante au pays du matin calme. Et c’est malheureusement  loin de toute quiétude, via les invasions japonaises répétées de la péninsule coréenne entre 1592 et 1598 que le piment , considéré comme un poison au départ, va s’implanter contre toute attente,  bouleversant au passage les recettes de kimchi traditionnelles.  En  1766,  le  Jeungbosallimgyeongje_Complément à l’administration forestière_(on fera un cours de prononciation de coréen plus tard), répertorie l’association du piment avec le chou dans l’une des recettes de Kimchi soigneusement compilées. Le kimchi allait dès lors poursuivre ses fabuleuses aventures et l’on compte aujourd’hui pas moins de 200 variétés ( je soupçonne  l’existence d’une mystérieuse carte des kimchis en Corée comme celle des cartes de fromages  ou de vins français).

J’avais donc faim de kimchi vous l’aurez compris ! Mais O rage O désespoir mes pots à kimchi s’avérèrent désespérément vides : mes kimchi d’avril n’avaient  pas fait long feu, et j’avais entretemps préparé un kimchi de chou-rave mais en trop petites quantités.

On ne le répètera jamais assez : l’estomac avide est source d’une créativité sans bornes. Je résolus alors d’appliquer les conseils d’une chef coréenne qui expliquait dans une de ses interviews comment faire du kimchi express. Ou pour être honnête plutôt du pseudo-kimchi car la préparation n’a pas le temps de fermenter mais le gout est tout à fait remarquable à partir d’ingrédients très simples : concombres, ail, sucre,huile de sésame et le gochugaru , le fameux piment coréen. Je résolus d’adapter la recette à des courgettes impavides qui ronronnaient depuis un petit temps au frigo (parfaitement, mes courgettes ronronnent).

Tout tient en fait  dans la qualité et l’arôme du piment coréen : comme l’explique l’excellent blog de Luna, le gochu garu a une saveur sucrée et piquante mais beaucoup moins puissante que ses cousins jalapenos ou thais. Et croyez-moi cela change véritablement le plaisir de dégustation. Dans le même article, vous trouverez également des idées de substituts, le piment coréen se trouvant ceci-dit dans la plupart des épiceries asiatiques.

J’ai accompagné le tout de nids de nouilles froides, de légumes crus et de rouleaux d’omelette mais ce pseudo kimchi s’est révélé être plus que comestible avec des viandes indistinctement rouges ou blanches simplement poêlées ou grillées.

Ce pseudo-kimchi se conserve 3-4 jours en récipient hermétique au frais, et il est encore meilleur le lendemain.

Les nouilles soba, somen et au thé vert se trouvent en magasin bio et en épiceries asiatiques , mais à défaut vous pouvez aussi utiliser de simples spaghettis. Quant à la garniture, laissez parler votre imagination !

Pour 4 personnes :

Pseudo Kimchi de courgettes

  • 2 courgettes
  • 1 gousse d’ail hachée finement
  • 1cc de sel
  • 2 cc de gochugaru (piment coréen) ou de substitut (cf les conseils de Luna plus haut )
  • 2 cc de sucre muscovado (ou autre sucre complet, plus gouteux que les sucres raffinés)
  • 3 cc de vinaigre de riz
  • 2 cc d’huile de sésame
  • 2 c à s de sésame blond grillé

Petits nids de nouilles froides :

  • 200g de nouilles soba( nouilles de sarrasin japonaises) ou de nouilles de riz noir(comme sur la photo) ou de nouilles somen ou de ce que vous voulez)
  • 200g de nouilles soba au thé vert
  • deux feuilles d’algue nori coupée en fines lamelles

Garniture :

  • 4 œufs pour faire des crêpes d’œufs ( des restes de viande rôtie ou grillée feront aussi l’affaire)
  • 2 carottes (mauves ici)
  • Une poignée de radis
  • 1 concombre
  • Un peu de gingembre à sushi(facultatif)
  • 1 c à s d’huile de tournesol pour cuire les crêpes d’œufs

Sauce :

  • 10 cl de bouillon de poulet
  • 2 oignons nouveaux émincés.
  • 1 cc de gingembre râpé
  • 1 cc d’ail râpé
  • 2 c à s de vinaigre de riz
  • 2 c à s de sauce soja
  • 2 c à s de sucre muscovado
  • 2 c à s de sésame blond grillé

 

Par le pouvoir du (pseudo) kimchi ! Coupez les courgettes crues en rondelles fines (ou en bâtonnets) puis saupoudrez-les de la cc de sel. Laissez dégorger pendant une bonne demi-heure, égouttez puis épongez délicatement sur papier absorbant. Mélangez le piment, le sucre, le vinaigre de riz, l’huile de sésame et l’ail, versez sur les courgettes et touillez délicatement de façon à bien enrober les légumes de marinade pimentée. Conservez dans un récipient hermétique au froid pendant au moins une demi-heure afin que les saveurs se développent. Servez saupoudré de sésame blond.

La nouille tu nouillesvaincras ! Faites cuire les nouilles dans un grand volume d’eau bouillante puis faites cuire à feu moyen selon les instructions du paquet (en général 4 à 8 mn pour les soba, 2 mn pour les somen). Égouttez puis passez sous l’eau froide (contrairement à la pasta italienne) pour arrêter la cuisson et éviter l’amalgame collant et fatal de nouilles fourbes. Prenez une petite poignée de nouilles que vous enroulerez sur deux doigts afin de former de petits nids que vous déposerez amoureusement sur les assiettes. Les flemmards peuvent se contenter de disposer les nouilles dans de jolis bols. Décorez le tout avec l’algue nori émincée.

A la conquête de la garniture ! Râpez les carottes, émincez les concombres épépinés et détaillez les radis en fines lamelles. Pour les crêpes d’œufs, battez vigoureusement les œufs en omelettes avec un peu de sel et de poivre. Chauffez 1 c à s d’huile de tournesol dans une petite poêle antiadhésive à feu moyen  et faites cuire une fine couche d’omelette  pendant 1 à 2 mn. Retournez la crêpe d’œuf et laisser cuire quelques secondes supplémentaires. Renouvelez l’opération jusqu’à épuisement des ingrédients(ou du cuisinier).  Superposez ensuite les crêpes sur une planche avant de les rouler et de les couper en fines lamelles.

Sauçons mgarnitureoussaillon : mélangez tous les ingrédients de la sauce et réservez au frais juste au moment de servir.

Comment ça se mange ? avec des baguettes on saisit délicatement un peu de kimchi et de garniture, on les dispose sur le nid de nouille avant de tremper le tout dans la sauce. Les flemmards ayant sauté l’étape du nid, peuvent simplement disposer la garniture sur le bol de nouilles, versez un peu de sauce et déguster le tout avec le pseudo kimchi.

 

Cuisine des restes: reste de riz cuit poêlé avec des petits légumes et le pseudo kimchi!

Cuisine des restes: reste de riz cuit poêlé avec des petits légumes et le pseudo kimchi de courgettes!

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Commentaires

  1. […] Et il n’est plus question d’ennui quand le chou rave rencontre le kimchi ! J’ai choisi comme base de départ une recette de kimchi de radis blanc (un légume très populaire en Corée), repérée dans « Korean Food Made simple», pour l’adapter à notre chou du cru. Et pour en savoir plus sur la petite histoire du kimchi je vous renvoie à mon article ici. […]

  2. […] vous avais longuement parlé des origines du kimchi ici, mais celui d’aujourd’hui est un peu […]

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