Ma Harira
par Hind
Où l’on s’attaque à l’une des recettes mythiques de la gastronomie marocaine, un pilier des tablées du royaume, c’est un roc c’est un pic… c’est un cap ! Que dis-je, c’est un cap ? … c’est une péninsule !
Ne nous enflammons pas mais foi de Cyrano, chaque foyer à l’est, à l’ouest, au nord ou au sud du Maroc doit avoir sa propre version soigneusement héritée des générations précédentes et jalousement sauvegardée. Car nous abordons là une soupe emblématique du mois de Ramadan au Maroc, une rupture de jeûne ne pouvant se concevoir sans un bol fumant de Harira accompagnée de quelques dattes et d’œufs durs au cumin.
Je me souviens des couchers de soleils enflammés derrière les palmiers centenaires , des vols d’oiseau braillards dans les ciels pourpres , de fumets de Harira reconnaissables entre mille partout dans les rues désertes, de la table familiale avec moult galettes, crêpes, briwates et puis de ce silence , ce colossal silence de fin de journée, ces rues totalement vides où on aurait pu tourner un film de zombies sans attirer l’attention : tout le monde attendait l’instant T, la fameuse rupture du jeûne.
Et soudain la voix du muezzin déchirait le silence, une voix qui donnait le frisson mais surtout le signal qu’on pouvait attaquer pardi ! Alors certains ont écrit _remarquablement d’ailleurs_sur la première gorgée de bière mais on devrait publier un opus sur la première gorgée de Harira, après une journée à jeun. D’abord il y a l’odeur, celle du bouillon au céleri vert et à la tomate avec la coriandre qui chatouille le nez, puis le parfum des épices sous la langue, les premiers pois-chiches fondant sous la dent et si on avait de la chance on tombait sur les os qui avaient servi à parfumer la soupe. Le tout accompagné d’œufs durs et de dattes qui ,aussi bizarre que cela paraisse pour les non-initiés ,complètent parfaitement cette soupe.
Légumineuses, légumes, bouillon, épices, herbes et protéines, que demande le peuple ? une deuxième lampée de ce bouillon miraculeux mes amis !
La Harira aime la lenteur, la Harira n’aime pas qu’on la bouscule: la soupe doit mijoter tranquillement pour laisser tous les arômes se développer. La préparation se fait en deux partie : « t’ka-ta’a » (littéralement la découpe) et la « tadwira » (du verbe tourner, dans le sens d’épaissir ici)
Vous pouvez compléter cette soupe revigorante avec un peu de riz ou de vermicelles à la fin comme dans certaines régions au Maroc ou encore ne pas utiliser d’os pour une version végétarienne. Les carnivores pourront quant à eux ajouter des petits morceaux de filet de bœuf ou d’agneau pour une soupe encore plus complète. Par ailleurs sachez que la Harira se congèle très bien. Servez avec des dattes ou des figues séchées et des œufs durs saupoudrés de sel et de cumin.Surtout ne pas faire l’impasse sur le cumin: il change instantanément un banal œuf dur en gourmandise insoupçonnée!
Voici donc ma version de la dame Harira, au curcuma et gingembre frais, selon me ,myself and I.
Pour un nombre incalculable de personnes(une douzaine on va dire!)
1ère étape (T’kata’a)
- 2 à 3 morceaux de colliers d’agneau pas trop gras (ou autres os de votre choix et suivant l’humeur de votre boucher)
- 450g de pois-chiches trempés pendant 12h
- 250g de lentilles vertes
- 500g d’oignons blancs
- 2 cm de curcuma frais (ou 1 cc de curcuma en poudre)
- 3 cm de gingembre frais
- 4 gousses d’ail
- 1 cc bombée de poivre noir moulu
- 2 cc bombée de cumin(+ un peu plus pour la viande)
- ¼ cc de safran en filaments
- 1 cc de sel
- 1 cc de bouillon de légumes bio en pâte(facultatif)
- 2 tiges de céleri vert avec feuilles
- 1 petite botte de coriandre
- 1 petite botte de persil
- 800 g de passata de tomate (ou de purée de tomates fraîches épépinées en saison, car la harira se déguste même aux beaux jours!)
- 2 l d’eau
- 1 lichette d’huile d’olive.
2ème étape (Tadwira)
- 500g de passata de tomates(ou de purée de tomates fraiches épépinées)
- 100g de petit épeautre(je le préfère au riz ou aux petites pâtes comme ajout céréalier)
- 1 petit bouquet de coriandre
- 1 petit bouquet de persil
- 2 tiges de céleri vert avec feuilles
- 1 pincée de safran en filament
- 2 cà S de jus d’un citron (facultatif)
- Levain:
- 70g de farine de blé complet
- 600ml d’eau tiède(environ)
- 1 cc de levure boulangère
Attaquons l’étape 1 : saupoudrez les morceaux de collier de sel et de cumin, faites chauffer une lichette d’huile d’olive dans une grande marmite et laisser dorer les os 6 à 7 minutes de chaque côté
Pendant ce temps pelez les oignons, le curcuma frais, le gingembre et l’ail. Une fois la crise de pleurs alliacée dépassée, hachez le tout finement. Profitez de cette manie de la découpe pour ciseler les tiges de céleri vert avant d’en hachez les feuilles. Faites de même avec la coriandre et le persil, feuilles et tiges comprises.
Retour à la marmite : versez les pois chiches égouttés, le mélange d’ail, d’oignons, gingembre et curcuma ainsi que le céleri vert, les feuilles de céleri, la coriandre et le persil. Touillez un peu histoire de faire l’intéressant puis mouillez avec les 2 litres d’eau . Parfumez avec le safran, le poivre, le cumin, la cannelle, le sel et le bouillon de légumes. Couvrez, portez à ébullition puis baissez le feu et laissez mijoter à feu doux pendant 40 mn
Ajoutez la passata, les lentilles et laissez cuire 30 minutes supplémentaires.
Préparons l’étape 2 : diluez la farine dans l’eau tiède au fouet.Si vous optez pour de la tadwira au levain, c’est le moment de rajouter un peu de levure de boulanger et de laisser fermenter une bonne heure.(il va sans dire que vous pouvez opter pour du levain maison , sans levure boulangère, si vous avez la patience d’entretenir ce genre de bestioles en cuisine)
Hachez la coriandre, le persil et les feuilles de céleri vert. Émincez les tiges de céleri vert.
Et hop on passe à l’étape 2. You win !
Versez les 500g de passata,le petit épeautre, les tiges de céleri vert et la moitié des herbes hachées de l’étape 2: Laissez cuire une demi heure à feu doux et à couvert. A ce stade les pois-chiches doivent être tendres: vérifiez et laisser mitonner quelques minutes supplémentaires si ce n’est pas le cas.
Ajoutez le levain, puis le safran, laissez mijoter 5 à 10 minutes supplémentaires , à découvert ,le temps d’épaissir légèrement la soupe. Pas de panique : si la soupe est trop épaisse à votre goût vous pouvez toujours ajouter un peu d’eau pour la détendre. Si vous optez pour l’option vermicelles/petits morceaux de viande ou poignée de riz c’est le moment de les ajouter et e laisser mijoter un petit quart d’heure supplémentaire.
Hors du feu ajoutez le reste d’herbes hachées et un filet de jus de citron pour un contraste acidulé qui va révéler les parfums (mais ce n’est pas indispensable). Profitez-en pour rectifier l’assaisonnement en sel et poivre si nécessaire. Si vous vous apprêtez à la congeler, ne rajouter pas de citron directement mais juste au moment de servir.
Servez fumant avec des dattes et des œufs durs.
A l’abri des regards, récupérez les os du bouillon et grignotez consciencieusement.
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