Salade de fèves cuites à la marocaine

Salade de fèves cuites à la marocaine
Hind
par

« On l’appelle Chechia d’ibn el Wadi .Prends de l’agneau tendre printanier, les côtelettes, la graisse ; on découpe et place au chaudron avec sel, oignons, poivre et coriandre sèche ; tu places à feu moyen et quand c’est cuit ou presque tu rajoutes pois-chiches, épinards, brins de fenouil et navets tendres ; une fois cuits à points, tu joins des fèves fraîches pelées ; la cuisson finie, tu places la panade(NDLR : pain sec émietté) et sur elle la verdure et les fèves et tout en haut , en dernier , du beurre qui doit se répandre sur les côtés parmi la verdure jusqu’à ce qu’il ressemble à la chéchia d’Ibn Al Wadi, car le beurre blanc ressemble à la frange d’une chéchia qui retombe tout autour »
Anonyme Andalou, XIème siècle, Le livre de la cuisine au Maghreb et en Andalousie à l’époque Almohade.in Lucie Bolens, La cuisine andalouse , un art de vivre (Xième, XIIIème siècle), Albin Michel.

Ah la belle vision que voilà ! Des nuages de beurre encerclant amoureusement une petite montagne de viande tendre, des vallées de légumes braisés à point , le tout surmonté de fèves fraîches, d’herbes et de panade croquante. Il fut un temps où les préoccupations caloriques n’étaient point à l’ordre du jour : ce beurre enturbanné d’une recette andalouse médiévale en est témoin.Il faut dire aussi que l’espérance de vie était plutôt courte à l’époque : on n’avait pas souvent le loisir de voir vieillir ses artères.

Nous revoilà donc avec la fève printanière, un légume qui figure au panthéon de mes obsessions légumistes et que nous avons déjà croisé à maintes reprises sur ces pages. J’ai en effet une passion dévorante pour cette graine au vert tendre, amoureusement liée à sa cabosse par sa fragile caroncule dans un élan poétique certain. On l’écosse sûrement, on la dérobe(le fait d’ôter la peau protectrice des fèves) selon goût : la reine des vesces impose sa sensualité même dans ses techniques de préparation.
Les anciens ont semble t-il partagé la même exaltation que l’auteur de ces pages pour les frétillantes gousses bosselées.

Ainsi les tablettes chaldéennes mentionnent ‘le pol’ à toutes les sauces, les égyptiens pharaoniques affectionnent le foul offrande reine des rites funéraires, les hébreux raffolent des bouillies de fèves (mentionnée moult fois dans l’ancien testament), tandis que les phéniciens dégustent la fève sous toutes ses formes: séchée, fraîche, en feuille et en gousse.
Les grecs eux se délectent d’etnos, une purée de fèves ou de lentilles assaisonnée d’herbes et d’oignons quand ils ne les consomment pas grillées et salées en guise d’amuse-bouches dans les banquets.
A Rome, la puls fabata, une bouillie à base de farine de fèves jouissait d’une telle popularité qu’elle servait d’offrande aux dieux.
Pour les anciens la fève était ainsi sacrée : elle symbolisait l’embryon, la renaissance, le printemps dans tout sa splendeur renouvelée.

Mais foin d’histoire et revenons à nos vesces du jour : la recette d’aujourd’hui nous fera voyager au Maroc pour une délicieuse salade cuite que l’on sert tiède ou froide, parmi les myriades de petites entrées de la table marocaine traditionnelle.

C’est une préparation très simple où il n’est nul besoin de dérober les fèves : on les aime ridées , dodues et blotties dans leur sauce épicée au citron confit. C’est une salade qui pour moi évoque toute mon enfance, un de ces petits plats que l’on pense anodins et qui marquent à jamais l’imagination gourmande de l’adulte en devenir. Voici donc ma version de cette madeleine de Proust.

Servez avec du bon pain croustillant pour saucer !

 

Pour 4 personnes

  • 250g de fèves des marais, poids écossé (vous pouvez préparer un gaspacho avec les cosses comme dans la recette ici)
  • Un citron confit
  • 2 gousses d’ail
  • 1 cc de graines de cumin
  • 1 cc de cumin en poudre
  • 2  cc de paprika
  • ¼ cc de sel
  • Le jus d’un demi citron
  • 4 c à s de persil plat hachée (tiges et feuilles comprises)
  • Une poignée de feuilles de coriandre fraiche
  • Une poignée d’olives rouges (facultatif)
  • 2 c à s d’huile d’olive pour la cuisson

Commencez par piler les gousses d’ail pelées avec le sel jusqu’à obtenir une purée .Prélevez ensuite la peau du citron confit avant de la hacher finement.

Faites blanchir les fèves dans un grand volume d’eau bouillante pendant 2 mn, égouttez et passez à l’eau froide

Dans une casserole à fond épais et à couvercle , faites chauffer l’huile d’olive à feu moyen : jetez ensuite l’ail et les graines de cumin dans la casserole et faites rissoler 1 à deux minutes

Ajoutez ensuite les fèves, le cumin en poudre et le paprika : couvrez d’eau à hauteur (non ce n’est pas le moment de noyer les fèves), puis laissez mijoter à couvert et à feu doux (2-3 sur induction) pendant une vingtaine de minutes

Ajoutez le citron confit , le jus de citron et les herbes en fin de cuisson, mélangez bien. Servez chaud, tiède ou froid surmonté éventuellement d’olives rouges.

 

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Commentaires

  1. Babelluc a écrit: 26 mai 2019 à 10:40

    Mmmmh ! Cela peut-il fonctionner avec des fèves surgelés ? ( comme celles de chez Picard par ex )

    • Oui ça peut fonctionner avec des fèves surgelées.Mais ce serait dommage car nous sommes en pleine saison des fèves fraîches(le blog suit mordicus les saisons), alors pourquoi s’en priver?:)

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