Croquettes de panais au cumin et curcuma

Carotte d’hiver, carotte sauvage, grand chervis, pastina, pastonado, pastenak, pastounadezen : nous avons déjà frequenté sur ces pages notre ami Panais,cette apiacée bonhomme , longtemps confondue avec sa cousine carotte, sous la forme de tajines amicaux ou de gratins des familles.

Mais l’ombre des ombellifères secrète bien des mystères : il nous avait échappé jusqu’ici que notre racine rabougrie au parfum sucré avait en son temps connu la gloire voire la quasi-sanctification !

Jugez plutôt ! Nous sommes en 1771 , dans le bientôt tumultueux royaume de France et un certain Philippe-François-Nazaire Fabre gagne un concours de poésie aux Jeux floraux de Toulouse, une société littéraire fondée au XIVème siecle. Son prix consistant en en une églantine en métal précieux , il accole la fleur à son nom et devient dès lors Fabre d’Eglantine.  De l’art de se faire un  nom, qui plus est d’une élégance gance.

Notre sieur nouvellement fleuri monte à Paris et acquiert assez vite une jolie renommée en tant que dramaturge et poète.Mais si nous nous rappelons de lui aujourd’hui c’est surtout grâce à sa célèbre chansonnette  » Il pleut pleut, Bergère  » tirée de sa pièce  » Laure et Pétrarque « , à tout jamais tombée dans l’oubli. Cette chanson est en fait une allusion à peine voilée aux futurs troubles de la révolution, la bergère en question étant Marie-Antoinette.

Notre homme va d’ailleurs rejoindre la dite révolution, se faire élire député et participer activement à la création du calendrier révolutionnaire dont l’obsession principale était d’effacer toute trace de religion. Les mois portaient ainsi des noms inspirés par la saison :Vendémiaire (22 septembre ~ 21 octobre), Frimaire (21 novembre ~ 20 décembre) ou encore Fructidor (18 août ~ 16 septembre) dans un esprit agricole on ne peut plus affirmé.

De même pour remplacer le nom des saints, chaque jour fut accolé à une plante, un animal ou un minéral. Et donc notre apiacée jolie se vit sanctifier le 9 vendémiaire, jour du Panais !

Ce calendrier imaginé par Fabre d’Eglantine sera utilisé de 1792 à 1802 mais la cruelle histoire ne lui en sera point reconnaissante : Fabre sera guillotiné avec Danton le 5 avril 1794 et il se murmure qu’il aurait chanté « il pleut, il pleut bergère » sur l’échaffaud…. Ah la marche fatidique de l’histoire.

Nous ne sommes pas le jour du panais mais nous avons le droit de lui faire un sort. Et ajourd’hui c’était décidé dans mon calendrier à moi toute seule : ce serait un jour de croquettes. Le panais pané n’était pas encore né sur ces pages : rétablissons donc cet oubli.

Et pour donner du corps à la croquette on la mélange avec de la chair patates et on épice le tout avec du curcuma et du cumin histoire de compenser la douceur suave du panais. J’ai accompagné le tout d’une petite sauce au yaourt et aux  câpres.

Pour une vingtaine de croquettes

• 2 pommes de terre moyennes (environ 500g)
• 2 panais (environ 400g)
• 20g de beurre
• 1 gousse d’ail pilée avec un peu de sel
• Une vingtaine de tiges de persil hachées (feuilles et tiges comprises)
• Un petit morceau de curcuma frais râpé (environ 2 cm) ou 1 cc de curcuma en poudre
• 1,5 cc de cumin
• 2 œufs
• 3-4 c à s de farine
• 150g de chapelure( du panko par exemple)
• Sel,poivre et huile de tournesol pour la cuisson

Sauce yaourt au câpres :

• 2 c à s de persil haché
• 2 c à s de câpres hachées
• 1 c à s de moutarde de dijon
• 125g de yaourt
• 2 c à s d’huile d’olive
• Sel,poivre

Commençons par la cuisson des légumes : faites cuire à la vapeur douce les patates et les panais entiers sans les éplucher (comptez 25 à 40 minutes selon la taille de vos légumes, testez avec un couteau à mi-cuisson). Laissez tiédir, pelez, coupez en dés, ajoutez le beurre (tant que c’est encore chaud pour qu’il fonde bien)et écrasez à la fourchette ou au presse-purée mais surtout pas au robot sous peine d’avoir un malencontreux blob élastique.

Ajoutez le persil haché, les épices et l’ail, salez, poivrez et mélangez soigneusement : entreposez le tout au réfrigérateur pendant au moins une demi-heure pour faciliter le façonnage des croquettes

Activons le mode croquette : disposez 3 récipients avec respectivement de la farine, les œufs battus en omelette et enfin la chapelure. Sortez la mixture jaune du frigo puis façonnez de petites saucisses que vous tremperez dans la farine (en tapotant pour enlever l’excèdent) puis dans l’œuf et enfin dans la chapelure. Aidez-vous d’une cuillère ou d’une petite louche pour avoir des croquettes de taille égale. Entreposez de nouveau au frais pendant une petite demi-heure(dans un récipient ou un plateau recouvert de papier sulfurisé).

Pendant que les croquettes se reposent attaquons la sauce : battez comme un malpropre le yaourt avec la moutarde, ajoutez le reste des ingrédients et mélangez proprement. Réservez au frais.

Chauffez un petit fond d’huile de tournesol dans une grande poêle (il faut que le niveau d’huile arrive à presque la moitié de la largeur de la croquette) : testez avec un petit peu de chapelure pour vérifier que l’huile est bien chaude (le pain doit frétiller au contact de la chaleur)

Faites cuire les croquettes par petite quantités 2 à 3 minutes de chaque côté jusqu’’à ce qu’elles soient dorées, égouttez puis disposez sur du papier absorbant pour éponger l’huile résiduelle

Servez chaud avec la petite sauce aux câpres ou avec simplement de la bonne moutarde.