Vapeurs de raves et de poisson, sauce aux agrumes, anchois et câpres
par Hind
Et nous revoilà, en légumiste sans vergogne, avec la rave tant dédaignée sous le bras ! Mes amis et néanmoins lecteurs, je vous le répète sans relâche depuis longtemps : redorons l’’honneur des racines, hissons haut l’étendard des tubercules, célébrons la rave honnie, louons les vertus des légumes faussement humbles.
Car oui la recette d’aujourd’hui met à l’honneur deux légumes racines qui font souvent figure de cendrillons des légumes : le chou rave et la betterave, tant fréquentés sur les chemins de ce blog pour les lecteurs assidus. J’ai une tendresse particulière pour ces deux-là, car ils ont proprement déchaîné ma passion pour les légumes biologiques il y a de cela quelques années.
Prenons le cas de la betterave, légume prétendument prolétaire par excellence. De par ses origines déjà, la betterave ne peut aspirer à aucune ascendance exotique : si l’aubergine est indienne, la tomate et la patate natives d’Amérique, la betterave est tout bonnement une indigène de la bonne vieille Europe. Sa naissance n’est donc auréolée d’aucune légende ou voyage extraordinaire : ça commence mal !
Circonstance plus aggravante, la betterave descend d’une autre plébéienne , tout autant reléguée aux royaume des légumes modestes : j’ai nommé la blette (ou bette) !
En effet la blette sauvage après plusieurs transformations dans la nature, a subi de nombreuses sélections toutes ciblant le gonflement de la racine jusqu’à obtenir la betterave. Elle aurait été sélectionnée en Allemagne au XVème siècle avant d’être introduite en Toscane puis en France au siècle suivant. Et la technique d’apprêt favorite de nos amis germaniques consistait en une longue cuisson de la rave avec peau sous la cendre. Ces gens avaient déjà tout compris.
Cette sélection assidue donnera bientôt 3 types de betteraves : la potagère qui nous intéresse sur ces pages, la sucrière et la fourragère. Ainsi la sucrière est découverte en haute Silésie, vers 1750 par le chimiste Andreas Sigismund Margraff qui découvre que la substance sucrante de la betterave est du saccharose, c’est-à-dire la même substance présente dans le sucre de canne. Les comptes furent vite fait : moins cher à produire que les dérivés de la lointaine canne à sucre, la culture de la betterave sucrière sera encouragée par le roi de Prusse et ne tardera pas à se répandre dans toute l’Europe.
La betterave fourragère est également née outre-Rhin, un peu plus tard au milieu du XVIème siècle, sous le doux nom de ‘Mangelwurzel’. Je vous le dis tout de go : la Prusse est le pays de la betterave.
Et quid de notre autre rave tenace, le chou rave ?
A proprement parler, le chou-rave n’est pas une racine mais un renflement de tige, jadis appelé colrave ou chou pommé , vocable voisin du Kohlrabi de nos voisins allemands et britanniques.
Il est tout aussi local que sa copine betterave, puisque la grande et indétrônable famille des brassicacées est bien européenne et serait même originaire de Sicile, le berceau des choux !
Le chou rave fait partie de la famille des choux à axe charnu, avec sa boursouflure caractéristique et ses longues tiges à l’allure martienne qui rampent sur le sol à maturité. Un physique particulier qui mérite une adoration sans faille, surtout si vous êtes fans de science-fiction comme moi.
Quand vous avez de la chance de trouver ces deux raves avec leurs feuilles, sautez sur l’occasion : les feuilles de betterave et de chou rave sont parfaitement comestibles et se cuisinent comme des épinards.
Pour conserver la saveur caractéristique de ces deux légumes mal aimés et pourtant riches en vitamines (vitamine C en particulier pour le chou), en calcium, en magnésium en fibres et en antioxydants, j’ai opté pour la cuisson vapeur afin de préserver les nutriments au mieux.
Pour jouer sur les textures j’ai rajouté un peu de betterave crue (tonda di chioggia et betterave rouge, en tagliatelles mais vous pouvez également les râper).
Le tout accompagne parfaitement des pavés de poisson, cuits également à la vapeur, avec une belle sauce aux anchois, agrumes et câpres pour relever le tout.
Vous pouvez rajouter un féculent type petit épeautre, orge ou riz complet qui marchent bien avec cette association.
Pour deux personnes :
Pour la vapeur :
- 1 chou rave moyen
- 2 petites betteraves
- 2 pavés de poisson (ici de la truite saumonée,150g chacun)
Pour le cru :
- 1 petite betterave tonda di chioggia ou golden burpee( pour apporter de la couleur, sinon restez fidèles à la betterave rouge
- 1 betterave rouge
- Un peu de basilic frais pour la finition
Sauce :
- 4 petits anchois à l’huile
- 2 gousses d’ail
- 2 c à s de petites câpres
- Le zeste et le jus d’un petit citron
- Le zeste et le jus d’une demi-clémentine
- 6 c à s d’huile d’olive première pression à froid
- Une douzaine de tiges de persil frais hachées , tiges et feuilles comprises.
- Poivre du moulin.
Commençons par la sauce : hachez les anchois avec l’ail et les câpres puis mélangez le tout avec les zestes et le jus des agrumes, l’huile d’olive et le persil. Poivrez puis goutez : ne salez pas ou très peu en raison de la présence d’anchois et de câpres. Gardez au frais.
Passons à la vapeur : pelez les chou rave et gardez les betteraves avec leur peau (vous pouvez les peler après cuisson). Si vous avez un chou-rave avec tige et feuilles comme moi, gardez-les pour une soupe ( la ribollita ici par exemple!) Faites cuire le chou- rave 25 à 30 mn à la vapeur selon la taille du légume : il doit garder un peu de croquant. Le mieux est de tester avec un petit couteau en perçant la bestiole. Faites cuire les betteraves de 40 à 50 mn. Sortez les légumes de leur panier vapeur puis laissez légèrement tiédir avant de les passer à la mandoline en tranche fine (ou à l’aide d’un couteau aiguisé, en ayant pris soin de peler les betteraves.
Au moment où les légumes sont presque cuits, préparez le cru : pelez les betteraves, avant de les râper ou transformer en tagliatelles (à l’aide de mandolines spécialisées) . Gardez au frais.
Faites cuire le poisson à la dernière minute : ici la truite saumonée cuit en 6-7 mn environ.
Disposez les légumes vapeur émincés, le poisson et les betteraves crues dans l’assiette, arrosez de sauce aux anchois en gardant le reste en saucière. Parsemez d’un peu de basilic frais.C’est prêt ! Servez avec du petit épeautre, de l’orge ou du riz voire rien du tout.
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« …voisin du Kohlrabi de nos voisins allemands et britanniques ». N’oublions pas le koolrabi flamand un voisin encore plus proche ;). Merci pour ce blog que j’ai découvert grâce à « bientôt à table ».
Bonjour Vinciane. Oui judicieuse remarque en effet, j’ai oublié de les mentionner mea culpa:) Bienvenue en Légumie.