Tajine de jarrets de veau aux panais, carottes et citrons confits

TaginePanaisCarottes
Hind
par

Al Bahja n’était ni un restaurant étoilé ni un de ces lieux « hype » férus de « bling bling », dont la décoration laborieuse fait souvent oublier la somptueuse  banalité des plats.
Non , Al Bahja, restaurant modeste situé dans une petite rue adjacente derrière la place « jamaa el fna » à Marrakech, tenait plus du boui-boui ou de la cantine des familles. Mais quelle cantine !

Tout en simplicité assumée , ce restaurant dont le nom signifie « joie/allégresse » avait creusé son sillon en servant des brochettes , des tagines et des petites salades dans un décor qui ne payait certes pas de mine mais qui se faisait très vite oublier lors de la première bouchée de rognon , de foie ou de viande grillée saupoudrée de cumin. Détail qui a son importance : autochtones et touristes s’y bousculaient, loin des enseignes attrape-nigaud typiques des villes touristiques.

Al Bahja c’était d’abord le patron dont je n’ai jamais vraiment connu le nom : on l’appelait tout simplement Ahmed Al bahja comme son restaurant dans une éponymie décomplexée. « Monsieur al Bahja « avait le regard vif et des cheveux grisonnants : coiffé d’une petite calotte blanche impeccable, le sarouel retroussé et le tablier toujours bien fermé, il se promenait sans se presser dans les lieux en scrutant le moindre détail .

Rien n’échappait à son œil de lynx : un serveur trop lent, une cuisson imparfaite, une nappe salie, un client impatient et Monsieur el Bahja claquait du doigt. Aussitôt on rendait le sourire au client avec un deuxième thé à la menthe et des olives, on revérifiait les cuissons, on remplaçait le serveur gauche, une nappe propre virevoltait dans l’air. Tout cela avec le sourire et sans paroles : car oui, je n’ai jamais vu Monsieur el Bahja élever la voix ou parler longuement ; à peine quelques mots esquissés, tout ce faisait avec les doigts et le regard. Monsieur El bahja, souverain impassible, régnait sur son petit monde avec un laconisme bienvenu, tout au service du client, ne faisant qu’un avec son restaurant.

Al Bahja c’était aussi le four à charbon de bois dans lequel on faisait tout cuire : brochettes, tagines, tangia (ragout cuit dans une cruche en terre sous la cendre pendant 6 à 7 heures, un délice mémorable de la ville rouge ,  et qui donnait à ces petits plats un gout incomparable ,difficile à reconstituer chez soi. Et c’est à cause de ce four que je venais déguster un de mes plats favoris : le tagine aux carottes et aux citrons confits de Marrakech.

Parce que voilà ,il y a le citron confit et il y a celui inénarrable de Marrakech que l’on dénomme « el msayer » , c’est-à-dire à peu de choses près « le transformé ». Confectionné avec une variété qui ne pousse que dans cette vallée coincée entre le désert et le haut atlas(la limonette de Marrakech), le « msayer » est un citron de très petite taille , quasiment sans pépins, à la peau très fine et au parfum incroyablement pénétrant.
A chaque visite à Marrakech j’allais à El Bahja comme on va en pèlerinage : dans l’attente intolérable de communier avec l’esprit du citron confit du cru avant de m’affaler repue et somnolente sur ma chaise en sirotant mon thé sans hâte !

Je ne sais pas si Monsieur el Bahja est toujours vivant, ni si la qualité de ses petits plats est toujours la même, mais j’ai décidé aujourd’hui de me préparer un petite tagine de jarrets aux panais et aux carottes avec des citrons confits maison.

En hommage à la ville rouge qui j’espère se battra pour garder son âme, et en hommage au partage, à l’instinct de vie qui passe forcément par la cuisine , par le plaisir d’échanger et de rompre le pain avec l’autre…C’est le combat ordinaire , pour ne pas oublier notre humanité, sans cesse mise en péril.

Pour 4 personnes

  • 4 jarrets de veau à température ambiante
  • 3 panais
  • 3 carottes
  • 2 citrons confits de taille moyenne
  • 2 oignons moyens râpés
  • 4 gousses d’ail
  • 1,5 cc de cumin en poudre
  • ½ cc de safran
  • 1 cc de bouillon de légumes bio en pâte (facultatif)
  • 1 petit morceau de gingembre frais(3 cm environ)
  • 1 petite racine de curcuma frais
  • Sel, poivre, huile d’olive
  • 1 bouquet de coriandre fraiche
  • 1 bouquet de persil frais
  • 150 à 200g d’olives rouges
  • Le jus d’un citron.
  • 1 à 2 c à s de farine.
  • 1 cc d’arrow root ou de fécule de maïs(facultatif)

Contre toute originalité, préchauffez le four à 180°C

Préparez soigneusement tous les ingrédients : Salez les jarrets de veau avant de les fariner légèrement. Pilez l’ail au mortier avec un peu de sel, pelez le gingembre et le curcuma frais avant de les râper finement. Pelez également les panais et les carottes avant de les détailler en bâtonnets. Ficelez la moitié du bouquet de coriandre avec la moitié du bouquet de persil, hachez finement le reste. Prélevez la peau des citrons confits avant de les émincer.

Dans une grande cocotte en fonte, chauffez 2 à 3 c à s d’huile d’olive et singez vaillamment ! C’est-à-dire dorez les morceaux de viande farinés 5 à 6 minutes de chaque côté. Ôtez la viande du feu avant de la remplacer par les oignons, le gingembre et le curcuma en grattant bien les sucs pendant 2 à 3 minutes. Ajoutez l’ail, le cumin, le safran et le bouillon de légumes puis mouillez à hauteur. Portez à ébullition puis baissez le feu et laissez tout ce petit monde mijoter pendant une dizaine de minutes à couvert et à feu doux.

Remettez la viande dans la cocotte, mouillez à hauteur et associez également la moitié du citron confit, le bouquet de persil-coriandre lié au même destin « tajinesque ». Salez (modérément à cause des citrons confits), poivrez et oubliez la cocotte pendant 30 minutes à petit feu.

Prélevez 2 à 3 louches de sauce que vous verserez dans une petite marmite séparée : c’est le moment d’y cuire panais et carottes pendant une vingtaine de minutes à feu moyen et à couvert. Cette cuisson séparée permet de ne pas trop cuire les légumes tout en les faisant mijoter dans la même sauce que les jarrets. Réservez au chaud.

TaginePanaisCarottesTransférez la cocotte de jarrets au four et laissez mijoter pendant une petite heure à couvert ; soulevez le couvercle pendant les 15 dernières minutes histoire de joliment dorer la viande.

Ôtez le bouquet de persil-coriandre liés, puis terminez en ajoutant le jus de citron, le persil et la coriandre hachée, les olives rouges et le reste de citron confit. Vous pouvez éventuellement épaissir la sauce avec un peu de fécule ou d’arrow root si le cœur vous en dit.

Servez une tranche de jarret par personnes avec une belle portion de carottes et de panais arrosée de sauce et d’olives rouges supplémentaires. Accompagnez le tout de pain frais (baguette ou pain plat) pour saucer. Et surtout n’oubliez pas de « slurper » la moelle (en cachette, ou pas).

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Commentaires

  1. […] plus long que prévu et implique pas mal de couture à la main, préparation du plat du soir: un tajine de jarrets de veau aux panais, carottes et citrons confits délicieux, Red River (Howard Hawks, […]

  2. […] ami Panais,cette apiacée bonhomme , longtemps confondue avec sa cousine carotte, sous la forme de tajines amicaux ou de gratins des […]

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