Chorba à l’orge et aux légumes d’automne, condiment oranges-amandes
par Hind
Dans le train il y a Madame qui pose beaucoup de questions et Monsieur qui ne sait pas, ou plus.
« Qu’est-ce qu’on mange ce soir ? –Je ne sais pas .
« Qu’est ce qu’on fait pour Saint-Nicolas ? » -Je ne sais pas.
« Et pour les enfants ce week-end » ? –Je ne sais pas.
Dans le train il y a une jeune fille qui pleure. J’ose l’aborder pour la consoler. C’est un chagrin d’amour, un chagrin semblable à des millions d’autres et pourtant singulier, unique, incomparable. Nous entamons timidement une conversation mais son arrêt est déjà là. La jeune fille sort du train, les yeux rougis, l’âme écorchée mais avec une esquisse de sourire sur les lèvres. Elle me jette un dernier regard où je crois entrevoir une lueur d’espoir.
Dans le train, il y a des écouteurs vissés obstinément sur les oreilles, des écouteurs pour se séparer du monde, s’éloigner des autres, des centaines de bulles, individuelles, qui se croisent sans se toucher, rivées à leurs téléphones. Les regards fuient consciencieusement, les paroles s’esquivent farouchement.
Dans le train, les livres se font de plus en plus rares, les écrans de plus en plus présents, et l’on se repait d’autres vies que la sienne, d’images à n’en plus finir comme si l’ennui, ce satané ennui, ce redoutable ennui devrait être banni à tous jamais de nos existences.
Dans le train la littérature s’étiole, disparait ,petit à petit mangée par le règne de l’immédiateté, la surabondance des images au détriment des mots. C’est la fin d’une journée passée à gagner sa vie disent-il, comme si on l’avait perdue quelque part en petits poucets d’un quotidien docile et programmé.
Dans le train il y a des rêves qui planent sur les wagons, comme des nuages invisibles, s’écrasant sur les vitres mouillées tandis que la drache nationale gifle les fenêtres.
Dans le train je rêve d’une soupe de mon enfance, la chorba (soupe en dialecte arabe maghrébin) aux légumes de saison. Je songe à l’amertume bienvenue des navets , au parfum poivré du céleri vert, à la douceur des courges et des carottes, à la chanson du gingembre et de l’ail rissolant dans l’huile d’olive,je songe à y ajouter de l’orge pour la rondeur, et à la saupoudrer d’ un condiment aux agrumes et aux amandes pour rafraîchir ce bouillon vitaminé , végétarien et réconfortant sans en perdre l’authenticité.
Dans le train je rêve de chorba et je souris. Terminus, tout le monde descend.
Pour 4 personnes:
- 2 petits navets boules d’or
- 2 carottes moyennes
- 2 persils tubéreux (ou 150 g de céleri rave ou de chou rave, ce sera bien aussi)
- 2 poireaux
- 2 tiges de céleri vert avec feuilles
- 100g d’orge perlé
- 150g de courge butternut (prise dans le tronc supérieur)
- 1 feuille de laurier sec
- 3 gousses d’ail
- 1 petit morceau de gingembre frais
- 1/2 cc de piment rouge épépiné et haché (ou de harissa)
- 1 cc de cumin
- 1 cc de paprika
- 1 càs de concentré de tomate
- Sel, poivre du moulin, huile d’olive
Condiment oranges-amandes :
- 1 orange
- Une douzaine de tiges de persil plat
- Les feuilles du céleri vert ci-dessus
- Une vingtaine d’amandes avec peau
- 2 c à s d’huile d’olive
- Sel, poivre du moulin
Sus aux légumes: pelez la butternut, le persil tubéreux, les carottes et les navets et tailladez allègrement en brunoise (petits dés) : plus c’est fin mieux c’est mais inutile de vous échiner non plus, on est entre nous (ahum).
Émincez les poireaux (verts et blancs compris) et le céleri vert en diagonale, en prenant soin de réserver les feuilles de céleri vert pour le condiment
Pelez l’ail et le gingembre, salez légèrement et hachez au couteau très finement
Tous au bouillon ! Faites chauffer 2 c à s d’huile d’olive dans une grande marmite et versez l’ail, le gingembre et le piment. Dorez à feu moyen deux minutes avant d’ajouter l’orge. Mélangez comme un malpropre, laissez rissolez deux minutes supplémentaires puis ajoutez le laurier et le concentré de tomates. Mouillez avec 2,5 l d’eau. Assaisonnez avec le cumin et le paprika, couvrez et portez à ébullition. Baissez le feu et laissez mijoter à feu moyen pendant 15 mn
Ajoutez les navets , les persils tubéreux et les carottes puis rebelote pour 10 minutes supplémentaires.
Versez le poireau, le céleri vert et la courge dans la soupe et laissez cuire paresseusement une dizaine de minutes supplémentaires.
Pendant ce temps frottons-nous au condiment : poêlez les amandes à sec et récupérez le zeste de l’orange (bio dans ce blog donc pas de précaution d’usage quant à la peau). Hachez le zeste avec les amandes ainsi que les feuilles de céleri vert et le persil (tiges et feuilles comprises). Pressez l’orange rescapée puis mélangez avec tous les ingrédients du condiment. Salez et poivrez et gardez au frais jusqu’au moment de servir.
Servez de généreuses louchées de soupe dans des bols individuels avec le plein de légumes et d’orge, surmontés d’une cuillère à soupe de condiment. Disposez le reste en saucière.
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[…] Ce jolie conte façon Perette et le pot au lait vous laisse présager que nous allons nous occuper d’orge aujourd’hui , ami lecteur. Et vous avez bien raison ! Nous avons d’ailleurs souvent fréquenté l’orge sur ces pages sous sa forme mondée ou perlée en caracolant avec des pharaons ou en le plongeant dans des soupes façon sortie de train. […]
Des légumes de saison (dont des butternut, c’est ma période, décidément – mais de saison aussi), des épices et des saveurs venues de l’autre côté de la Méditerranée: j’avais aperçu cette recette, j’allais nécessairement y revenir. Le petit texte est tellement juste, et ces jours-ci appelaient à un peu de réconfort: eh bien c’est la recette qu’il faut en ce moment. Le petit plus des condiments est une trouvaille formidable. Merci beaucoup!
Merci Mathilde:) Oui cette soupe fait du bien au corps et à l’âme .j’ai une passion pour les condiments surtout à base d’agrumes:)