Bouillon façon pho vietnamien au poulet entier et aux légumes de saison

Bouillon façon pho vietnamien au poulet entier et aux légumes de saison
Hind
par

Tran To Nga pourrait parler pendant des heures de la beauté envoutante du Mékong où elle a grandi.

Petite, elle aimait se baigner  dans la « mère de tous les fleuves » et écouter Henri Salvador : c’était l’époque de l’Indochine française et Nga est alors une petite fille insouciante dans ce Vietnam colonial, où ses parents tiennent une pâtisserie prospère.

Mais l’insouciance ne dure qu’un temps et les chansons d’Henri sont bientôt remplacées par les clameurs de la guerre. C’est la guerre d’indépendance, contre les français, et la pâtisserie familiale se transforme en lieu de résistance : Nga va aider ses parents, tous deux militants actifs contre l’occupation.

Ainsi commence son parcours de combattante, qui ne cessera jamais.

1954 : c’est la conférence de Genève, et le Vietnam se divise tragiquement en deux : Nga a 12 ans et se retrouve au Nord Vietnam, à Hanoi, loin de sa famille. C’est sa mère, qui avant d’être emprisonnée pour ses opinions politiques, l’envoie au loin et sur le quai de la gare, elle ne lui dira qu’une phrase : « Ne pleure pas ».  Nga serre les dents , obéit et pendant dix ans elle ne versera aucune larme pendant qu’elle se consacre à ses études de chimie.

1965 : Nga ne pleure toujours pas mais veut combattre pour la liberté du Sud Vietnam. Elle repart , en tant qu’agent de liaison pour le front de libération du vietnam du sud, sur la fameuse piste Ho-chi-min, un sac de 25 kg sur le dos. Nga serre les dents de nouveau, Nga a faim, Nga résiste aux sangsues, aux serpents, aux termites géantes et aux bombardements américains : elle marchera ainsi pendant quatre mois, en pleine jungle, avec une détermination aveugle pour rejoindre ses compagnons d’armes. Elle se rend aussi compte de la complexité du conflit, que les ennemis ne sont pas forcément des monstres, que les amis ne sont pas nécessairement des anges. Nga apprend la guerre dans le maquis, encore une.

Nga découvre la torture, la sauvagerie, l’inhumanité, les luttes fratricides : la guerre est désormais son quotidien. Les combats sont parfois entrecoupés de chansons d’Yves Montand  dans ce Vietnam marqué par la culture française: la dichotomie humaine ,dans toute sa splendeur.

Et puis vient la sidération. Une poudre gluante tombe du ciel et se transforme en liquide : hommes, bêtes, végétation, rien ni personne n’est épargné.

Nga fait la connaissance de l’agent orange.

Mais elle ne saisira  les impacts de ce défoliant immensément toxique que des années plus tard. En 1968, très exactement ,à la naissance de sa première fille : son enfant souffre de pathologies étranges, ne montre aucun signe de croissance et décède au bout de 17 mois. Les effets de l’agent orange sont déjà là.

Cette tragédie va conditionner son combat d’aujourd’hui : Tran To Nga engage des poursuites contre les géants pétrochimiques fabricants de l’agent orange depuis quelques années, pour ne pas oublier les victimes, pour mener un combat au nom de ceux qui ne peuvent plus parler. David contre Goliath.

Nga a 74 ans aujourd’hui et son combat continue : c’est un petit bout de femme aux cheveux gris et au regard vif avec une prodigieuse ténacité dans la voix.

Une voix que j’ai découvert  grâce à la superbe émission « D’ici et d’ailleurs «  sur France Inter , écoutée en podcast : l’extraordinaire récit de la vie de Nga était tout à la fois bouleversant et exaltant. Cette femme hors du commun débordait de courage et de conviction. Cette femme avait des « cojones » !

Pour en savoir plus vous pouvez écouter l’émission ici : https://www.franceinter.fr/emissions/d-ici-d-ailleurs/d-ici-d-ailleurs-10-decembre-2016

Et c’est ce récit doublé des microbes de saison qui m’a poussé à concocter la soupe du jour : il me fallait un bouillon réconfortant mais rassasiant et cela faisait trop longtemps que les nouilles de riz roupillaient dans mon placard à nouilles (comment ça un placard à nouilles ? ceci est une autre histoire). L’inspiration vietnamienne coulait de source en écoutant la radio : le pho est un bouillon vietnamien à base de bœuf (pho bo)ou de poulet(pho ga) que l’on garnit d’une foultitude d’herbes, de lime, de viande et de piment et surtout de nouilles de riz pour en faire un plat complet. C’est à la fois sain, parfumé, rassasiant: que demande le peuple? un deuxième bol, tiens!

Rien de tel pour se soigner qu’un bouillon de poulet maison, surtout fabriqué avec la bestiole entière ! Je l’ai servi avec des légumes locaux car rien n’interdit de s’inspirer du vietnam tout créant sa propre garniture légumiste. Et puis la beauté troublante des carottes pourpres et l’insolente splendeur de la betterave Tonda di chioggia ont toujours raison de moi en hiver.

Pour 6 à 8 personnes

Bouillon :

  • 5 gousses d’ail
  • 3 échalotes
  • 1 petit poireau
  • 20g de gingembre frais
  • 3 tiges de citronnelle
  • 4-5 tiges de coriandre fraiche
  • 1 c à s de sauce soja
  • 1 c à s de sucre brun( Muscovado ici)
  • 2 à 3 c à s de nam pla (sauce de poisson, en vente en magasin asiatique et parfois en épicerie bio aussi)
  • Le jus et le zeste d’un citron
  • Sel
  • Huile de tournesol

Epices:

  • 1 bâton de cannelle
  • 3 anis étoilés (étoiles de Badiane)
  • 2 gousses de cardamome verte
  • 1 clou de girofle
  • 1 c à s de graines de coriandre
  • 1 cc de graines de poivre
  • 1 cc de poivre de Sichuan( facultatif mais rajoute une note citronnée supplémentaire)

Garniture :

  • 1 poulet fermier d’environ 1,5 kg
  • Des tagliatelles ou des nouilles de riz (300 à 400g selon votre gourmandise)
  • 1 à 2  c à S d’huile de sésame
  • 3 carottes (mauves ici)
  • 2 petites betteraves Tonda di Chioggia
  • 2 poireaux
  • 4 à 6 petits champignons bruns
  • 2 à 3 petits piments rouges selon gout
  • 4- 5 limes vertes(sinon des citrons, ce sera très bon quand mêmes)
  • Une foule d’herbes fraiches au choix : coriandre, basilic (thaï ou pas), menthe, citronnelle(ici coriandre, menthe et citronnelle, mon basilic ayant rendu l’âme au moment de la recette)
  • Et …du nam plat(sauce de poisson fermentée , cf plus haut) pour assaisonner éventuellement à table (au lieu du sel)

 

Bouillonnons (sans déborder) :

Commençons d’abord par torréfier les épices : versez la cannelle, les poivres, la coriandre, la cardamome, le clou de girofle et les anis étoilés dans une petite poêle. Chauffez le tout 5 minutes à feu moyen dans une poêle à sec. Hors du feu pilez grossièrement au mortier.

Préparons les autres ingrédients du bouillon : pelez les oignons, l’ail et le gingembre. Coupez les gousses d’ail en deux, émincez les échalotes, le gingembre et le poireau. Coupez la citronnelle en biais en petits tronçons (on rencontre moins de résistance au couteau quand on l’attaque à la diagonale).

Passez la main sous la peau poulet pour retirer la peau : vous pouvez vous permettre de la laisser sur les ailes. Je prépare le bouillon sans peau pour éviter un bouillon trop gras mais vous avez le droit de la laisser. Vous devrez alors écumez le bouillon et filtrer le gras (avec une pomme de terre ou une tranche de pain par exemple ou simplement à l’écumoire). Salez légèrement l’intérieur et l’extérieur du poulet.

C’est le moment de passer à la casserole : chauffez 2 c à s d’huile de tournesol dans une grande marmite, suffisamment large pour contenir le poulet entier (j’utilise ma cocotte en fonte fétiche)

Versez la citronnelle, le gingembre, l’ail, les échalotes, le poireau, les tiges de coriandre et toutes les épices : laissez fondre 5 minutes. Versez la sauce soja puis déposez délicatement le poulet dénudé.

Couvrez avec 3 litres d’eau (ou un peu moins selon votre contenant) de façon à bien immerger votre poulet. Portez à ébullition puis baissez le feu , couvrez et laissez mijoter à feu moyennement doux pendant deux heures (puissance 3 sur induction). Nous sommes dans l’éloge de la lenteur ici : testez la cuisson du poulet avec un couteau et si encore rosé laissez cuire quelques minutes supplémentaires.

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 Garnissons (sans trembler) :

Pelez les carottes et les betteraves. Epépinez les piments (en coupant la base et en frottant entre les paumes des mains. Emincez finement tout ce petit monde très finement à la mandoline réservez.

Coupez le poireau et les champignons en tranches fines également.

Coupez les limes en quartier, prélevez les feuilles d’herbes de votre choix pour la garniture.

Faites cuire les nouilles : disposez les nouilles ou tagliatelles de riz dans un grand saladier.Versez de l’eau bouillante et laisser le tout s’hydrater : comptez environ 15 minutes pour les tagliatelles et 10 minutes pour des nouilles , plus fines. Égouttez, passez à l’eau froid, égouttez de nouveau puis mélangez avec un peu d’huile de sésame.

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 Finissons (sans gesticuler) :

C’est le moment de sortir le poulet du bain ! Saisissez la bestiole et laissez la tiédir sur une assiette avant de la désosser et de prélever la viande (vous avez le droit de grignoter des petits os au passage, mais oui).

Filtrez le bouillon au chinois (ou à la passoire fine) et reversez dans la marmite : écumez à la cuillère pour enlever le gras éventuel , puis ajoutez le sucre et 2 à 3 c à s de nam pla selon gout. Laissez mijoter une dizaine de minutes à feu doux puis ajoutez les légumes de la garniture (sauf le piment): laissez-les fondre 5 à 7 minutes pas plus (d’où l’intérêt de couper le tout en tranches fines). Hors du feu ajoutez le jus de citron et un peu de zeste

Pour servir : disposez une poignée de nouilles dans chaque bol, versez le bouillon à hauteur, garnissez avec les légumes et un peu de viande de poulet. Ajoutez les herbes, les tranches de lime et un peu de piment (au gout). Le piment va servir à donner du corps au bouillon: vous n’êtes pas obligé de le mâchouiller, cependant. Les peureux peuvent le retirer une fois qu’il a parfumé le bol de soupe: sachez cependant que le piment est chargé en antioxydants et en vitamines et accélère  la satiété tout en favorisant la digestion.

Cela se mange en assaisonnant avec le jus de lime, en se saisissant de nouilles et de garniture à la baguette et en « slurpant » le bouillon !pho10

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Commentaires

  1. GOBLET Annick a écrit: 15 janvier 2017 à 2:50

    OUUUUUUUUAAAAAAAHHHHHHHH

    J’adore le Pho, alors une recette qui s’en inspire ça ne peut qu’être méga bon !!!

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