Pides d’hiver aux oignons et aux poireaux
par Hind
Sans oignon je suis grognon, à la vue d’une tête d’ail je défaille sans faille, je me frotte à l’échalote qui mijote, les tulipes me constipent tandis que les lys flétrissent vainement dans les vallées balzaciennes. Sans oublier les diaboliques et frêles asphodèles, je diverge vers les asperges, je me ceins de jacinthes, je m’écarte des toxiques colchiques (dans les prés on sait), avant de sauter à pieds joints sur des carreaux de poireaux. Heu enfin des carrés, heu des bottes je veux dire, enfin je ne sais plus. Lâchez-moi le bulbe.
Vous l’aurez compris, entre les liliacées et moi c’est une grande histoire d’amour(bulbeux donc).
Et je ne suis pas la seule !
Souvenez-vous de nos amis égyptiens de l’antiquité dont j’avais glosé ici : ils avaient coutume d’accompagner le défunt d’une pléthore d’aliments où les oignons et les poireaux faisaient très bonne figure. Les archéologues ont retrouvé ainsi des fresques représentant ces deux cousins bulbeux sur les murs des tombeaux et autres pyramides mais aussi de véritables petits fagots de feuilles et de tiges remarquablement conservés à l’intérieur des cercueils.
L’émotion que voilà !
Je vous vois venir : on aurait aimé que notre conseillère d’orientation nous vante les charmes de Kheops ou de la mythologie sumérienne et ses débouchés ,au lieu de nous dérouler le catalogue d’examens, d’écoles et de cursus universitaires (ou pas)en nous parlant de marché du travail et autres joyeusetés futures.
Et puis prenez Néron, oui le despote romain, lui-même. Son légume préféré était le poireau dont il consommait de grandes quantités sous forme de bouillon. Cette décoction l’aidait à calmer la toux et à adoucir ses cordes vocales afin de mieux déclamer ses chansons , entre deux assassinats rondement menés.
Car ,Néron , outre sa charge d’empereur un tantinet sadique, se plaisait à jouer les poètes à ses heures perdues, le tout devant un public de courtisans volontaires (ahum) qui le surnommèrent le porophage ! C’est-à-dire mangeur de poireaux.
Amis lecteurs voilà que l’on croit détenir au fond de son panier de ménagère une humble tige blafarde et soudain patatras, des civilisations entières s’empressent de supprimer la banalité, cette chimère de nos quotidiens.
Ni une , ni deux je résolus de transformer et l’oignon et le poireau fissa en pides d’hiver à ma façon , histoire de légèrement dévier des italiennes pizza pour s’aventurer en territoire turc. Les pidés sont en en effet des pains plats garnis de viandes, ou de légumes ou de fromage cuites dans des fours à bois et dégustés brûlants en street food un peu partout en Turquie. La particularité réside dans les garnitures , différentes selon les régions et aussi dans leurs formes originales de petits bateaux. Mais il existe aussi des pides rondes, des pides sans garnitures (parsemés de graines par ex)) etc. Un monde de gourmandises s’offre aux curieux sans oublier le côté éminemment réconfortant de la chose une fois engloutie.
Pour ma recette, si vous arrivez à mettre la main sur des fromages turcs à pâte dure ( comme par exemple le kashkaval) , n’hésitez pas à remplacer le parmesan pour varier les plaisirs. J’ai suivi mon imagination et les restes de mon frigo, mais laissez libre cours à vos élucubrations culinaires pour farcir les pides. Comme ce blog suit les saisons ,je n’ai employé ni tomates, ni courgettes, ni poivrons mais en été ils feront merveille dans cette recette.
Toutefois, comme pour leurs cousines pizza , un conseil : trop de garniture tue la garniture et vous risquez de masquer les goûts. Misez sur la simplicité en attendant de vous reconvertir dans l’archéologie, sur les traces des poèmes de Néron.
Pour 4 à 6 pides (selon la taille désirée):
Pâte:
- 500g de farine blanche bio T65
- 1 sachet de levure boulangère sèche (11g)
- 3 c à s de yaourt entier nature biologique
- 3 c à s d’huile d’olive
- 250 ml à 300ml d’eau tiède
- 8g de sel fin
- 1 cc de sucre
Garniture
- 2 poireaux
- 2 oignons rouges
- 3 boules de mozzarella di buffala, coupée en tranches
- 80 de parmesan fraîchement râpé(ou de kashkaval turc, ou de manchego espagnol)
- 2 c à s de romarin ou de thym frais ou séché
- 1 pincée de piment d’Espelette (facultatif)
- Huile d’olive
Pâte :
- Commençons par diluer la levure sèche 100ml d’eau tiède mélangée à la cc de sucre : laissez le tout se transformer en blob pendant uen dizaine de minutes.
- Pendant ce temps mélangez la farine avec le sel dans un grand bol, faites un puits et versez l’huile d’olive et le yaourt
- Versez le mélange de levure dans le puits puis commencez à pétrir en ajoutant de l’eau tiède petit à petit au robot ou à la main .En fonction de l’absorption de votre farine vous devrez ajoutez 150 à 200 ml d’eau (en plus des 100 ml initialement prélevés pour la levure)
- La pâte est prête quand elle est bien élastique et qu’elle se détache des parois du bol ou du plan de travail légèrement fariné pour ceux qui ont choisi la technique manuelle.
- Huilez légèrement un saladier, formez en pâton, déposez délicatement dans le saladier , puis couvrez avec un linge propre ou du film alimentaire et laissez lever pendant 1h à 1h30, jusqu’à ce que la pâte ait doublé de volume .
Garniture:
- Coupez les poireaux en petits tronçons (vert et blanc compris, pas d’ostracisme sur ces pages) puis faites cuire à la vapeur douce pendant environ 3 mn. Réservez
- Emincez les oignons très finement en rondelles (ou demi-rondelles).
- Allez potassez le petit manuel des rites funéraires égyptiens pendant que la pâte à pide lève
Façonnage et cuisson :
- Préchauffez le four à 220°C
- Dégazez délicatement la pâte puis divisez la en 4 ou 6 morceaux que vous formerez en petites boules sur un plan de travail légèrement fariné.
- Emparez-vous d’une boule de pate puis étalez-la en rectangle à l’aide d’un rouleau à pâtisserie. Déposez votre œuvre sur une taque de cuisson recouverte de papier sulfurisé (plus simple que de transporter la pide remplie sur la taque)
- Disposez 3 tranches de mozzarella, un bonne poignée de parmesan râpé et enfin des tronçons de poireaux ou des rondelles d’oignon au choix (que vous salerez légèrement, vu la présence de parmesan)
- Prenez soin de laisser 1 à1,5 cm de bord pour former la pide.
- Repliez ensuite les parois de la pide de façon à former un ovale (ou un petit muret)qui encercle la garniture puis torsadez les bouts pour bien enserrer le tout.
- Saupoudrez de thym ou de romarin séché , d’un peu de piment d’espelette si le coeur vous en dit et arrosez d’une lichette d’huile d’’olive.
- Répétez les opérations pour les autres boules de pâtes.
- Enfournez le tout pendant 15 à 20 mn et dégustez chaud.
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