Naans à la farine complète
par Hind
« C’était une journée d’avril froide et claire. Les horloges sonnaient treize heures. Winston Smith, le menton rentré dans le cou, s’efforçait d’éviter le vent mauvais.[…]Le hall sentait le chou cuit et le vieux tapis. A l’une de ses extrémités, une affiche de couleur, trop vaste pour ce déploiement intérieur était clouée au mur. Elle représentait simplement un énorme visage, large de plus d’u mètre : le visage d’un homme d’environ 45 ans, à l’épaisse moustache noire, aux traits accentués et beaux.[…]C’était un de ces portraits arrangés de telle sorte que les yeux semblaient suivre celui qui passe. Une légende, sous le portrait, disait : BIG BROTHER VOUS REGARDE. »
Oui, j’avais tremblé avec Winston face aux guerres fantasmées entre l’Océania, l’Eustasia et l’Eurasia, j’avais chancelé devant l’invention de la Novlangue qui se proposait de supprimer les concepts désormais inutiles de poésie et de liberté, j’avais redouté la police de la pensée, j’avais frissonné face au sinistre mantra de ce monde dystopique :
La guerre c ‘est la paix
La liberté c’est l’esclavage
L’ignorance c’est la force.
‘1984’ m’avait chamboulé comme lors de ma première lecture.
J’avais ensuite enchaîné avec les verrats Napoléon et Boule de Neige et leur rêve de ferme démocratique, j’avais aspiré avec la jument Douce et le boxer Malabar à une société égalitaire, j’avais assisté avec un effroi grandissant à la lente mais sure transformation de l’utopie euphorique des débuts en cauchemar totalitaire. ‘La ferme des animaux’ m’avait glacé d’effroi et fait sombrer dans une espèce de transe hallucinée tout le long de mes trajets en train quotidien. Et à nouveau j’avais éprouvé la même sensation de sidération et d’oppression que lors de ma première lecture quelques années plus tôt avec l’impossibilité de lâcher ce récit haletant, malgré une fin déjà connue.
J’avais donc passé une semaine en compagnie de George Orwell et ses chefs-d’œuvre de dénonciation du totalitarisme.Et quand on relit George Orwell, il devient urgent de fabriquer des naans. Parfaitement.Puisque je vous le dis.
D’une part parce que notre génial George, de son vrai nom Eric Arthur Blair est né en Inde, dans l’état actuel du Bihâr(Bengale). D’autre part, parce qu’il s’agissait de se plonger dans une activité manuelle et réjouissante, les mains dans la pâte, en se sentant vivant et en observant la magie de la fermentation pour oublier un court instant les menaces totalitaires hélas toujours d’actualité de par le monde. il y a quelque chose de suprêmement réconfortant à reproduire des gestes antiques, à palper la texture de la pâte,à humer l’odeur de pain frais. Il y a là quelque chose de profondément humain…
J’avais donc résolu de faire des naans et de surcroît à la farine complète afin d’écouler un restant de farine bio T150 mais également pour réaliser un pain plus riche en fibres. Comme vous le savez sans doute déjà, les naans sont des pains plats, d’origine persane (nān veut dire pain en perse) qui ont ensuite essaimé dans toute l’Asie centrale et l’Asie du sud , notamment le sous-continent indien, et plus spécifiquement au nord suite aux influences mogholes. Ils sont traditionnellement cuits (et de manière impressionnante) sur les parois d’un ‘tandoor’, une sorte de four en argile cylindrique à l’origine de la fameuse cuisine tandoori.
Bien entendu dans nos chaumières il est souvent difficile de se procurer un four indien traditionnel. Aussi deux techniques s’offrent au cuisinier aventureux :
- La cuisson au four domestique à l’aide d’une pierre à pizza qui va servir à mieux transmettre la chaleur
- Où encore à la poêle en fonte très chaude pour les flemmards ou les non-possesseurs de pierre à pizza (au risque de passer pour un briseur d’authenticité)
J’utilise indistinctement l’une ou l’autre technique selon mon degré de paresse ou l’état d’occupation du four . La recette du jour (et donc mes photos) utilise le deuxième mode de cuisson qui donne ma foi un résultat plus qu’agréable.
Il doit y avoir autant de recettes de naans que de mamas indiennes mais voici sans vergogne ma version.
Pour huit à dix naans :
- 400g de farine bio T65 et un peu plus pour le pétrissage
- 100g de farine bio complète T150
- 2 c à s d’huile végétale (au choix) ou de ghee(beurre clarifié)+ 1 c à s pour le bol de levée
- 4 c à s de yaourt entier
- 250 ml de lait tiède
- 2 cc de sucre
- 8g de sel
- 1 cc de levure chimique
- 11 g de levure sèche de boulanger
Finition (facultatif) :
Mélangez le lait avec le sucre et la levure de boulanger : laissez le tout gonfler pendant une dizaine de minutes. Pendant ce temps combinez les deux farines, le sel et la levure chimique dans un grand saladier ou dans le bol de votre robot muni du crochet à pétrin.
Ajoutez le mélange de lait-levure-sucre dans le bol, versez le yaourt et l’huile puis touillez tout ce petit monde histoire d’amalgamer tout cela. Laissez reposer un quart d’heure puis pétrissez au robot ou à la main pendant une quinzaine de minute jusqu’à ce que la pâte s’assemble. Elle restera légèrement collante, pas d’inquiétude.
Versez le tout sur un plan de travail fariné et pétrissez une dizaine de minutes supplémentaires en farinant également vos mains. Formez en boule puis disposez votre œuvre dans un grand saladier légèrement huilé. Chemisez le saladier de film alimentaire et couvrez avec un linge. Laissez votre pâte fermenter pendant 1h à 1h30 à selon les conditions de température et de pression : la pâte est prête quand elle a doublé de volume et quand elle revient à sa forme originale lorsque l’on presse un index sur la surface.
Versez délicatement votre création sur un plan de travail fariné et divisez en huit à dix pâtons que vous formerez en petite boules. Munissez-vous d’un rouleau à pâtisserie et chauffez une poêle en fonte à sec (7 sur ma plaque à induction).
Abaissez chaque pâton en disque fin ou en ovale et disposez immédiatement sur la poêle chaude : quand la surface du pain commence à buller(2 à 3 minutes maximum), retourner le disque pour cuire l’autre extrémité (2 à 3 minutes de nouveau). Les pains vont gonfler et former des poches d’air au fur et à mesure de la cuisson. Il faut bien surveiller votre cuisson histoire de ne pas brûler vos naans.
Disposez au fur et à mesure sur une grille ou un ustensile en osier comme sur la photo pour les laisser respirer. Vous pouvez éventuellement les badigeonner de ghee ou d’huile végétale comme en inde (personnellement je les préfère nature).
Il ne reste plus qu’à préparer une pléthore de currys pour les consommer mais avec une petite salade et un hoummous ces naans sont tout aussi délicieux.
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[…] Du pain pita frais coupé en triangles(ou encore des naans, cf ma recette de naans ici) […]
Merci pour cette recette simple et très bonne.
Je n’avais pas de yaourt (dur dur le confinement), alors j’ai mis de la crème fraîche et c’était pas mal.
Hello Lizzy! Oui on s’adapte avec le confinement, ici aussi malheureusement. Mais je crois qu’avec du bon sens et en évitant le gaspillage , on devient très vite créatif:) Ce genre de pain peut se faire avec toute sortes de laitages , de préférence fermentés, la texture sera légèrement différente à chaque fois: lait ribot et yaourt donnent de bons résultats.Je vous souhaite quand même de beaux moments culinaires et bienvenue en Légumie:)