Epinards aux citrons confits, crêpes aux carottes et pois-chiches
par Hind
On raconte que jadis, un fier et redoutable prince, parti guerroyer au loin, s’en revint plein de gloire et de fureur apaisée avec dans ses valises un troupeau d’éléphants. Reconnaissons que la notion de bagage était un soupçon différente à l’époque, Thomas Ryan n’étant pas encore né, c’est un fait historiquement prouvé.
Fourbu par ses mésaventures, las de son périple, le prince n’aspirait qu’à une seule chose : faire halte et se sustenter loin de la poussière de la route et de l’ardeur des combats incessants. Cela faisait des jours que le convoi avançait sans relâche, éléphants et estomacs vides compris, de jour comme de nuit , dans l’espoir de retourner au pays. Soudain, comme par miracle, une vallée luxuriante s’offrit aux yeux du prince, entourant un modeste mais prospère village.
Les habitant ,tout ébaubis par cette visite prestigieuse ,se plièrent en quatre(voire en huit pour certains, les sources divergent à ce sujet) pour accueillir leur hôte illustre. Trois jours de ripailles et de festins gargantuesques s’en suivirent, avec moults chants et danses: rien n’était trop beau pour le prince, le village tout entier se consuma dans une liesse à nulle autre pareille.
Avant de s’en aller, le prince remercia les villageois de leur accueil royal par un présent tout aussi majestueux : il leur fit cadeau d’un éléphant. Les villageois se confondirent en remerciements gauches sans oser avouer à son impétueuse majesté qu’ils n’avaient jamais fréquenté un telle créature auparavant.
Le prince parti, l’éléphant ,encore sauvage, saccagea vignobles, fermes, vergers et autres potagers verdoyants au grand dam des villageois qui n’avait jamais dompté de pachyderme dans leur vie. Et pour parfaire leur désespoir, ils devaient veiller à bien nourrir cet éléphant un brin remuant ,sous peine d’essuyer un courroux royal et certain. Excédés par la bestiole, ils décidèrent d’envoyer une délégation vers le prince avec le chef du village à sa tête pour négocier le retour du cadeau empoisonné.
Arrivée au somptueux palais du prince, l’humble délégation fut impressionnée par la magnificence des lieux et par l’indicible puissance du redoutable monarque.Tellement impressionnée ,qu’au moment de discuter avec sa redoutable majesté, le chef de tribu se retourna pour découvrir que l’ensemble de ses ouailles avait fui, le laissant seul affronter son illustre interlocuteur.
-« Ah, vous revoilà mon cher ami ! comment se porte donc mon éléphant ? » clama le prince, d’une voix de stentor, qui ôta les dernières miettes de courage qui restaient à notre infortuné chef de village.
-« Très bien votre excellence, nous l’aimons beaucoup et nous en prenons grand soin », balbutia le pauvre homme d’une vois apeurée.
-« Mais quel bon vent vous amène donc ? »
-« C’est que, votre excellence, nous pensons que votre éléphant se sent bien seul dans notre petit village … Peut-être serait-il plus heureux en compagnie de ses congénères dans votre beau palais ? »
-« Aha ! Mais qu’à cela ne tienne ! Je vais t’offrir une éléphante pour lui tenir compagnie et je repasserai vous voir dans six mois, si Dieu me prête vie. Salue donc la population de ton charmant village de ma part »
Depuis lors il existe un dicton populaire et goguenard, qui se murmure de la Perse au Maghreb : »Ils avaient déjà un éléphant et on leur rajouta une éléphante !».Moralité : parfois il faut se contenter de sa situation même problématique, de peur d’en provoquer une bien pire. Une fable que l’on lira sans doute à l’aune des notions de pouvoir autoritaire et de démocratie mais qui peut aussi s’interpréter comme l’union fait la force : si les villageois avaient courageusement accompagné leur chef, leur sort aurait peut-être été différent. Ou pas !
Et nous aussi, nous nous contenterons de peu en ce début de printemps, car petits pois fèves et autres asperges ne sont pas encore réellement de saison dans notre contrée mais l’épinard qui crapahute depuis des lustres de sa Perse natale est bien là. Avec ses copains radis et oignons nouveaux et un zeste de carottes pour un repas végétarien complet.
Une origine persane que l’on retrouve dans l’étymologie même du nom Epinard : du persan « Ispanâk, pour se transformer en arabe oriental en « Asfanâh » avant d’opérer une mutation en arabe d’Andalousie sous le patronyme « Isbinâh » puis de se convertir en « Spinargia » en latin médiéval, « Espinarde » en ancien français pour finir en beauté sous l’appellation « Epinart » au XVIIème siècle.
La culture de l’épinard est de ce fait mentionnée dès le IVème siècle dans l’empire Perse (Le livre de l’agriculture nabatéenne) mais c’est Ibn al Awwam, un agronome arabe de Séville, qui au XIIème siècle décrit de manière très précise les méthodes de culture de l’épinard, techniques utilisées presque telles quelles encore de nos jours.
Nous voici donc avec le sieur épinard et une poignée de carottes pour cette recette de début de printemps, un sieur qu’il faut cuisiner en délicatesse. Donc halte à l’ébouillantage crapuleux et redécouvrons la tombée d’épinards frais, assaisonnés au citrons confits pour un mélange bienheureux !
Pour 2 personnes :
Epinards aux citrons confits :
- 500 g d’épinards frais
- 1 petit oignon rouge émincé finement
- La peau d’un demi- citron confit(ou plus selon gout), taillée en brunoise
- Une poignée d’olives rouges
- 2 gousses d’ail hachées
- 2 cc de cumin moulu
- 1 petit bouquet de persil plat haché
- Le jus d’un demi-citron
- Sel, poivre du moulin, huile d’olive
Crêpes pois-chiches /carottes/oignons nouveaux
- 150g de farine de pois chiches (en magasins bios ou asiatiques)
- 2 carottes épluchées et râpées
- 3 oignons nouveaux, finement émincés
- 1 œuf
- 230ml de lait
- 2 c à s d’huile d’olive
- 1 cc de piment frais épépiné et haché (facultatif, mais ça rajoute du peps)
- 1 gousse d’ail hachée
- 1 cc de cumin moulu
- 1 cc de paprika moulu
- 2 c à s de graines de cumin ou de fenouil, torréfies 2 à 3 minutes sur poêle sèche.
Sauce au fromage de chèvre
- 125 g de fromage de chèvre frais
- 2 c à s de ciboulette hachée
- 4 c à s de yaourt
- Poivre du moulin
Pour servir :
- Quelques crudités finement émincées (ici des radis et des oignons nouveaux)
Sus aux crêpes chiches ! dans un grand saladier fouettez la farine de pois-chiche avec l’œuf, le lait, l’huile d’olive, le cumin, le paprika, l’ail et le piment. Laissez reposer, couvert d’un linge, pendant une demi-heure.
Sauçons, sauçons : fouettez énergiquement le chèvre avec le yaourt et la ciboulette, poivrez et réservez au frais.
Et que tombe l’épinard : dans une grande poêle profonde (pour contenir la bestiole), faites suer l’oignon et l’ail dans 2 c à s d’huile d’olive. Ajoutez l’épinard, salez (modérément à cause du citron confit), poivrer et laisser les feuilles s’étioler pendant 5 minutes environ. L’épinard doit juste fondre sans trop cuire.
Hors du feu ajouter le cumin moulu, les olives, le citron confit, le persil et le jus de citron. Laisser tiédir à température ambiante.
Que la crêpe saute ! récupérez la pâte à crêpe qui se morfondait en y ajoutant les carottes, râpées, les oignons nouveaux et les graines de cumin ou de fenouil. Mélangez comme un malpropre.
Chauffez une grande poêle avec 1 c à s d’huile d’olive(thermostat 6 pour induction), puis déposez une louche de pâte à crêpe en l’étalant avec la poignée de la poêle : laissez cuire quelques minutes sur le premier côté et retournez délicatement la crêpe (à l’aide d’une spatule) dès que la pâte forme de petites bulles à la surface (environ 4 à 5 minutes). Faites cuire deux minutes sur le deuxième côté. Les proportions permettent de faire 4 à 6 crêpes selon la taille de votre poêle. Les farines de légumineuses sont toujours plus délicates à manipuler: soyez doux et patients avec vos crêpes.
Servez chaque crêpe avec une portion d’épinards, quelques crudités et arrosez de sauce au chèvre. Vous pouvez également les servir façons wraps en enroulant les crêpes autour de la garniture. Une fois repu, méditez alors sur les éléphants de ce monde cruel.
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Une merveille. ..une nouvelle fois Hind nous enchante par sa poésie culinaire épicée d’histoires enchanteresses pleines de bon sens. Quel délice. Quel bonheur.
Merci Anne! Au plaisir de vous retrouver sur ces pages.
Simplement te dire que j’aime énormément ton blog , t recettes, tes histoires,ta musique….le tout est pour moi un enchantement….merci
Merci Patricia!Cela fait plaisir d’avoir un retour des lecteurs-cuisiniers:)