Coings pochés au sirop de vanille, semifreddo au chèvre
par Hind
Dans le jardin, sucré d’oeillets et d’aromates,
Lorsque l’aube a mouillé le serpolet touffu,
Et que les lourds frelons, suspendus aux tomates,
Chancellent, de rosée et de sève pourvus,
Je viendrai, sous l’azur et la brume flottante,
Ivre du temps vivace et du jour retrouvé,
Mon coeur se dressera comme le coq qui chante
Insatiablement vers le soleil levé.
Et la maison, avec sa toiture d’ardoises,
Laissant sa porte sombre et ses volets ouverts,
Respirera l’odeur des coings et des framboises
Éparse lourdement autour des buissons verts ;
Mon coeur, indifférent et doux, aura la pente
Du feuillage flexible et plat des haricots
Sur qui l’eau de la nuit se dépose et serpente
Et coule sans troubler son rêve et son repos.
Anna de Noailles, « Le verger ».
La splendide vision que voilà ! Nous aussi on aimerait gambader avec la sensuelle Anna dans ce verger extraordinaire pour couler des jours heureux à l’ombre des cognassiers.
Parlons-en justement des cognassiers. Ou plus joliment des poires de Cydonie comme nos amis les grecs anciens avaient coutume de les nommer, en l’honneur de la ville de Cydon ,célèbre pour ses confiseries à base de coings. Mais bien entendu les grimoires d’histoire ne nous révèlent pas l’essentiel : par quel artifice de la pensée, par quel instinct miraculeux, un quidam lambda a-t-il découvert les délices que ce fruit réserve une fois cuit ? Alors que cru , ma fois, plus blette tu meurs. On ne le saura sans doute jamais.
Ainsi le coing cavale dans nos contrées depuis bientôt 4000 ans, rien que ça. On raconte d’ailleurs, pour rester chez les grecs, dont l’histoire ancienne est bien agitée, que la pomme d’or de Paris offerte à Aphrodite serait en réalité un coing, histoire de confirmer sa promesse d’épouser Hélène de Troie. La fameuse pomme de la discorde était donc un coing ! Aphrodite ou Vénus chez les romains est par ailleurs souvent représentée avec ce fruit dans la main droite. Si si, regardez bien.
On raconte également que le coing fut longtemps le symbole du mariage, parfaitement.Et ce fruit charnu d’un jaune envoutant, au galbe sensuel, cache bien des significations amoureuses : ainsi porter une fleur de cognassier signifie : « je ne céderai pas à la tentation », offrir un panier rempli de coings veut dire : cède-moi. Si l’élu(e) touche à un fruit alors le consentement est validé sinon un refus amer est signifié au malheureux prétendant.
J’en cuisine traditionnellement chez moi en tagine : un grand classique dans les tablées marocaines, ce ragout aux coings. Mais cette fois-ci j’avais envie de tenter un dessert et plus exactement de marier le coing avec du fromage chèvre version sucrée, dans un bienheureux contraste. J’ai opté pour la technique italienne du semifreddo, car n’ayant pas de sorbetière, cette façon de réaliser des glaces avec un simple moule à cake est une de mes préférées. La préparation glacée n’est pas trop sucrée car les coings avec leur sirop le sont déjà suffisamment.
A vos moules !
Pour 4 personnes (voire plus!):
Pour les coings pochés :
- 3à 4 beaux coings (choisissez des fruits pas trop tachés à la peau bien ferme)
- 1 l d’eau
- 200g de sucre de canne
- 150 g de miel
- 1 gousse de vanille
- 1 citron
Semifreddo au fromage de chèvre et à la pistache( à faire la veille pour le lendemain) :
- 3 œufs , jaune et blanc séparés
- 250g de yaourt à la grecque
- 150g de fromage de chèvre frais
- 200ml de crème fraiche
- 3 c à s de miel
- 1 c à s de sucre
- 2 c à s d’eau de fleur d’oranger
- 100g de pistaches
- 1 pincée de sel
Pour les coings pochés:
Sus aux coings pochés : dans une marmite suffisamment grande pour contenir les coings, versez l’eau , le sucre , le miel et le citron coupé en deux (en bio dans ce blog , donc oui la peau du citron peut être consommée). Coupez la gousse de vanille en deux, récupérez les graines avec un couteau fin et jetez graines et gousses dans le mélange. Faites chauffez légèrement le temps que le sucre et le miel fondent.
Pendant ce temps pelez les coings à l’économe, coupez en deux (ou en quatre)et évidez le cœur (avec les pépins) à l’aide d’une cuillère parisienne : c’est le moyen le plus simple pour le faire efficacement tout en conservant une belle forme aux demi-coings. Récupérez les pépins de coings(ils vont aider à gélifier légèrement le jus en raison de leur teneur en pectine) . Ajoutez pépins et fruits dans le mélange précédent. Couvrez la marmite avec un disque de papier sulfurisé de même diamètre, portez à ébullition puis baissez le feu et laissez mijoter à feu très doux pendant une heure 30 à deux heures(selon la taille de vos coings). En induction cela donne une puissance 2 maximum.
Quand les coings sont cuits (testez avec une fourchette) , égouttez –les et récupérez le jus de cuisson. A ce stade vous avez le choix : soit vous les conservez dans leur jus de cuisson jusqu’au lendemain soit vous réduisez le jus de cuisson tout de suite (pendant une petite heure à feu doux) jusqu’à ce que le liquide soit sirupeux. Filtrez et réservez le sirop obtenu. Laissez refroidir complètement. Les coings sont alors prêts à servir arrosés de leur sirop réduit
Semifreddo:
Place au semifreddo. Chemisez un moule à cake (environ 30 cm de longueur) de film alimentaire en laissant bien dépasser les bords histoire d’emprisonner votre chef d’œuvre plus tard.
Torréfiez les pistaches à sec dans une petite poêle pendant 5-6 mn et réservez.
Dans un grand bol, fouettez comme un malpropre les jaunes d’œufs jusqu’à ce que le m »lange blanchisse. Ajoutez le miel, l’eau de fleur d’oranger, le fromage de chèvre et le yaourt et fouettez de nouveau jusqu’à avoir un mélange homogène
Dans un bol séparé fouettez les blancs d’œufs en neige avec une pincée de sel et le sucre (le teste ultime étant de suspendre le bol sur sa tête, si les blancs ne bougent pas c’est parfait, sinon terminez les opérations après avoir pris une douche)
Et pour terminer ces histoires de fouet , on va battre la crème en chantilly jusqu’à ce qu’elle forme des pics : le secret étant que la crème, le bol et le fouet soient bien froid(gardez les au frigo jusqu’au moment de battre, fouet et bols compris)
C’est le moment de combiner le tout : mélangez la chantilly délicatement avec le mélange aux jaunes d’œufs puis incorporez tout aussi délicatement les blancs d’œufs à l’aide d’une spatule avant d’ajouter les pistaches (refroidies)
Versez dans le moule à cake, rabattre le film alimentaire sur la préparation et placez la préparation au congélateur pendant 12 h.
Finition:
Le lendemain, démoulez le semifreddo, enlevez le film alimentaire, et découpez en tranches. Laissez revenir 10 minutes à température ambiante. Dégustez en servant une tranche de semi-freddo avec un ou deux morceaux de coings et le jus réduit (et filtré) comme indiqué plus haut.
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