Épeautre sauté aux tomates rôties, abricots et noisettes

C’était une belle matinée d’été, de celles qui vous remplissent le cœur d’une insouciance quasi enfantine. Ce jour-là, je m’étais réveillée tôt, prise d’une impatience difficile à contenir. Les oiseaux s’égosillaient déjà sous le soleil éclatant tandis que je m’avançais d’un pas alerte vers la serre.

L’œil aux aguets, l’odorat en éveil, le palais en émoi, je m’aventurai  au milieu des lianes luxuriantes.

Et là, un spectacle d’une beauté impériale me transporta au-delà de toute espérance. Roses de bernes, cornues des andes, marmandes , green zebra, noires de crimées, groseilles jaunes : des myriades de tomates pendaient d’un air languide, s’offrant dans une abondance chamarrée, suspendues à leurs hautes tiges florissantes et imprégnant l’air d’un parfum entêtant, presque enivrant. Une jungle glorieuse se révélait à moi seule, dans un recoin modeste du plat pays, faisant oublier toutes ces histoires de ciels bas et de canaux pendus.

Les mains tremblantes d’émotion, je cueillis une petite tomate noire de crimée, ravie par sa robe ébène légèrement teintée de fulgurances pourpres. Je croquai sans plus attendre et là une effervescence jubilatoire s’empara de tout mon être, comme lors du visionnage du premier épisode de Goldorak ou lors de la découverte des aventures de tintin (toutes choses étant égales par ailleurs).

Le jus coulant sur le menton, les yeux fermés, je dégustai en solitaire le fruit rond et charnu, sucré et mur à point. Nul besoin d’assaisonnement : la tomate se suffisait à elle-même, sans artifice aucun.

Ce jour là j’avais comme un souffle au cœur : j’avais retrouvé le gout de la tomate ;une quête du graal personnelle qui m’avait longtemp torturée depuis mon arrivée en Belgique.

Des lors je me suis  jurée de respecter les saisons de tous les fruits et légumes(biologiques cela va sans dire), et en particulier de la tomate, d’éprouver ce plaisir sans cesse renouvelé de l’attente, l’attente qui accroit le désir comme chacun sait. Bonheur des courges voluptueuses en automne, plaisir des choux bonhommes en hiver, allégresse des premières asperges du printemps, et délectation à nulle autre pareille des tomates en été.

Rendons donc hommage aujourd’hui à ces extravagantes solanacées américaines qui nous viennent tout droit du jardin précolombien et qui longtemps furent considérées comme simple plante d’ornement voire comme un poison sous nos latitudes (en cause leur appartenance à la même famille que la mandragore), et ce longtemps après leur introduction en Europe par les conquistadors.

J’apprécie tellement les tomates que je les apprête très peu : une lichette d’huile d’olive et un peu de sel suffisent à mon bonheur. Mais faisons un petit effort aujourd’hui par temps de pluie et de drache réunies, pour un petit plat estival mijoté qui met à l’honneur des tomates cerises rôties.

J’ai choisi de les associer à de l’épeautre, une céréale ancienne et ancêtre du blé, riches en fer, fibres et protéines ce qui en fait un ingrédient plus qu’intéressant d’un point de vue nutritionnel. Pour assaisonner le tout j’ai rajouté un fruit de saison, l’abricot qui se marie bien avec la tomate, ainsi qu’une poignée de noisette et quelques bouquets d’herbes fraiches.  J’ai fini le tout avec de la tomme de brebis, mais vous pouvez vous en passez pour une version végétalienne.

L’épeautre va cuire dans le jus des tomates roties pour un repas chaud bien parfumé : pensez simplement à le tremper la veille.

A vos tomates !

Pour 2 personnes :

• 150g d’épeautre biologique trempé la veille
• 1 feuille de laurier sec
• 150 à 200g de tomates cerises multicolores
• 3 tiges de céleri vert avec feuilles
• 1 gros oignon rouge
• 4 gousses d’ail avec peau
• 1 branche de romarin frais
• 6 abricots bien fermes
• 3 c à s de noisettes
• 4 c à s d’huile d’olive
• 1 c à  s de vinaigre balsamique
• 1 c à s de graines de fenouil
• 1 c à s de graines de cumin
• 1 c à s de graines de coriandre
• Sel, poivre du moulin

Finition :

• Quelques copeaux de tomme de brebis (ou à défaut de parmesan)
• 1 petit bouquet de persil(ou de coriandre) haché(e)
• Une douzaine de feuilles de menthe ciselées

Préchauffez le four à 180°C

Égouttez l’épeautre puis faites le cuire dans 1,5 fois son volume d’eau non salée et 1 feuille de laurier sec pendant 30 mn à feu doux (thermostat 4 sur induction). Égouttez soigneusement, enlevez la feuille de laurier et réservez.

Torréfiez les noisettes légèrement à la poêle sèche pendant 5 mn à feu moyen avant de les hachez grossièrement

Coupez les abricots en deux avant de les dénoyauter et de les couper en dés (pas trop fins), hachez les tiges de céleri vert, tiges et feuilles comprises.

Pendant que l’épeautre se meurt, sus aux tomates rôties. Épluchez l’oignon en quartiers, laissez les gousses d’ail et les tomates tranquilles.

Dans un plat allant au four, versez deux c à s d’huile d’olive : disposez le romarin, l’oignon, l’ail et les tomates cerises dans le plat puis arrosez avec l’huile d’olive restante. Salez légèrement puis enfournez pour environ 25 -30 mn.

Sortez le plat du four, laissez légèrement tiédir puis récupérez la chair des gousses d’ail, le jus de cuisson et effeuillez l’oignon rôti (c’est-à-dire séparez les pétales d’oignon les unes des autres).

Dans une grande poêle creuse, versez le jus de cuisson des tomates et chauffez le pendant 2-3 mn à feu moyen (5 sur induction): ajoutez les graines de cumin, de coriandre et de fenouil et laissez grésiller pendant 2 m

Ajoutez le céleri vert hachée, la chair des gousses d’ail et l’épeautre puis faites sauter pendant quelques minutes le temps d’imprégner l’épeautre du jus des tomates. Salez, poivrez.

Ajoutez les abricots, le vinaigre balsamique et faites sauter 5 minutes supplémentaires.

Terminez avec les tomates rôties et les lamelles d’oignon : mélangez-les avec le sauté d’épeautre le temps de les incorporer (1 -2 minutes)

Hors du feu ajoutez les noisettes et les herbes hachées.

Servez avec des copeaux de tomme de brebis.